Par Me Delphine Mahé et Me Elodie Maumont
« Aux Grands Hommes, la Patrie Reconnaissante », cette inscription célèbre ornant le fronton du Panthéon, pourrait à elle seule résumer la vocation première du droit des pensions militaires d’invalidité.
Au cours des siècles, en effet, les nombreuses guerres qui ont ravagé la France et décimé sa population, ont permis à la Nation de réaliser la nécessité de témoigner sa reconnaissance à ses soldats qui n’avaient pas hésité à la défendre au péril de leur vie.
L’idée d’une solidarité nationale est alors progressivement née et avec elle, celle d’une juste réparation des préjudices endurés par les militaires.
La construction du droit des pensions militaires s’est faite en plusieurs étapes historiques.
La première d’entre elles a eu lieu lors de la Révolution française, avec la Loi du 2 août 1790 promulguée par l’Assemblée Constituante, elle-même issue de l’Ordonnance royale du 22 décembre 1776 et des Lettres patentes du 8 novembre 1778, qui a érigé « en dette de reconnaissance de la Nation, les pensions versées aux militaires victimes d’infirmités consécutives aux Guerres »
Malheureusement, les finances publiques de la France, alors particulièrement obérées, n’en permirent pas une réelle exécution.
Ces dispositions novatrices furent complétées, quelques années plus tard, par les Lois des 11 et 18 avril 1831 promulguées par Louis Philippe et dont l’article 12 prévoyait notamment « Les blessures donnent droit à la pension de retraite lorsqu’elles sont graves et incurables et qu’elles proviennent d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés dans un service commandé. Les infirmités donnent les mêmes droits lorsqu’elles sont graves et incurables et qu’elles sont reconnues provenir des fatigues ou des accidents du service » ou l’article 13 ouvrantun droit immédiat à pension suite à la cécité ou l’amputation.
Si d’autres instructions ministérielles et décrets jalonnèrent la route du droit des pensions militaires d’invalidité, il aura fallu attendre les enseignements des lendemains de la Première Guerre Mondiale pour en forger la dernière grande étape.
En effet, la Guerre de 1914-1918 impliqua plus d’Hommes, mais surtout de soldats que toutes les guerres antérieures.
Les données officielles évaluèrent à plus de 1,4 millions le nombre de soldats français tués et près de 4,3 million de blessés.
Les « Poilus » pour beaucoup devinrent des « Gueules cassées », quand ils ne devaient pas laisser derrière eux, veuves et orphelins…
C’est en leur honneur et, pour ceux demeurés en vie, afin de permettre leur réinsertion dans la vie civile tout en tenant compte de leur handicap, qu’un véritable droit à réparation pour les anciens combattants infirmes, mais également pour leurs veuves et orphelins a été érigé par la Loi du 31 mars 1919 modifiant la législation des pensions des Armées de Terre et de Mer en ce qui concerne les décès survenus, les blessures reçues et les maladies contractées ou aggravées en service. [1]
Il faut au préalable citer Georges CLEMENCEAU, qui déclara lors de son discours d’investiture à la présidence du Conseil prononcé devant la Chambre des Députés : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous ».
Cet héritage historique ressort des termes mêmes de l’article 1er du Code des pensions militaires et des victimes de la Guerre : « La République française, reconnaissante envers les anciens combattants et victimes de la guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s'incline devant eux et devant leurs familles (…) »
La Loi du 31 mars 1919 a notamment permis la reconnaissance des notions d’aggravation, de présomption d’imputabilité et d’origine des infirmités par le fait ou à l’occasion du service.
Quelques années plus tard, la Loi n° 47-1454 du 6 août 1947, relative à la codification des textes législatifs concernant les pensions militaires d’invalidité et des diverses pensions d’invalidité soumises à un régime analogue, posait le principe d’une codification permanente par décrets, sans changement de législation.
Ainsi par un Décret n°51-469 du 24 avril 1951 portant codification des textes législatifs concernant les pensions militaires d’invalidité et des diverses pensions d’invalidité soumises à un régime analogue, les droits et avantages attachés à la qualité d’ancien combattant ou victime de guerre, le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre était crée. [2]
Parmi les autres textes fondamentaux intervenus depuis lors, il convient de mentionner le Décret n°59-327 du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions modifié[3], l’Instruction n°1702/DEF/EMAA/OL/2 du 9 octobre 1992 relative à la constatation des blessures ou maladies survenues aux militaires pendant le service, modifié ou encore la Circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 du 12 février 2010 relative à la constitution, à l’instruction et à la liquidation des dossiers de pension d’invalidité du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, modifiée
Précurseur parmi les systèmes d’indemnisation du préjudice corporel en France, le droit des pensions militaires d’invalidité souffre désormais d’une véritable inflation législative qui rend la matière opaque et nécessite que soit opérée une profonde réformation.
[1] Bulletin des Lois de la République Française, nouvelle série année 1919, partie principale (1ère section)
[2] Journal Officiel de la République Française du 7 août 1947, 7718
[3] http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19590225&numTexte=&pageDebut=02379&pageFin=