Par Hannelore MOUGIN, élève avocat et Me Aïda MOUMNI, avocat associé
La FRANCE mérite-t-elle une fessée ?
En cette année particulièrement placée sous les auspices des droits de l'enfant, après la remise du prix Nobel de la paix à Malala Yousafzai, la célébration du 25ème anniversaire de la Convention des droits de l'enfant, le 20 novembre dernier et le 70ème anniversaire de l'ordonnance du 2 février 1945 organisant la justice des mineurs, la FRANCE se trouve aujourd'hui confrontée à la résurgence du débat sur l'interdiction des châtiments corporels.
Le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a rendu publique le 4 mars 2015 une décision condamnant la FRANCE pour violation de l'article 17 § 1 de la Charte sociale européenne révisée.
Pour rappel, la FRANCE a ratifié le 7 mai 1999 une version consolidée de la Charte sociale européenne en même temps que son protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives adressées au Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS).
Le Comité est chargé de statuer sur la non-application des dispositions de la Charte à l'occasion des réclamations déposées par des partenaires sociaux ou par des organisations non gouvernementales.
Son pouvoir est à nuancer dans la mesure où les décisions du Comité sont dépourvues de force contraignante en raison de leur nature déclarative.
En l'espèce, la législation française est sanctionnée en ce qu'elle ne prévoit pas d'interdiction suffisamment claire, précise et contraignante des châtiments corporels en milieu scolaire et familial.
A l'origine de cette décision, une réclamation enregistrée le 4 février 2013 et portée par l'association britannique dite « l’Association pour la protection des enfants » (APPROACH).
L'association britannique, dans le cadre de sa requête, argue principalement de l'existence d'un droit coutumier « de correction » en FRANCE.
Elle conteste également la jurisprudence française aux termes de laquelle, la violence doit être légère et poursuive un but éducatif afin que les châtiments corporels entrent dans le cadre de ce «droit de correction ».
A cette fin, elle mentionne plusieurs décisions de juridictions nationales confirmant l’existence d’un « droit de correction » au profit des parents, des enseignants et d’autres personnes amenées à s’occuper d’enfants.
À titre d'illustration, en 2003, la Cour de cassation a estimé qu’une assistante maternelle qui avait donné une claque à un enfant de 23 mois n’avait pas excédé les limites du « droit de correction ».
(Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 17 juin 2003, n°02-84986)
Toutefois, la possible mise en conformité de la législation française par rapport aux recommandations du Comité relève uniquement d’une volonté nationale.
S'agissant de nos voisins européens, la SUÈDE a été le premier pays à interdire la fessée en 1979 en ajoutant dans sa législation une clause prévoyant que :
« Les enfants doivent être traités dans le respect de leur personne et de leur individualité et ne peuvent être soumis à un châtiment corporel ou à tout autre traitement humiliant ».
Depuis lors, plusieurs pays ont légiféré en ce sens et notamment de la FINLANDE en 1983, l'AUTRICHE en 1989, ou encore la ROUMANIE en 2004 et la POLOGNE en 2010.
Au total près de 33 pays ont suivi la tendance abolitionniste étant observé que ce mouvement touche essentiellement l’Europe.
Le débat est ainsi relancé à l'heure de l'adoption de projets de loi visant à réformer la protection de l'enfance.
Pour plus d’informations vous pouvez consulter le site du Comité européen des droits sociaux en cliquant ici.