Par Maître Aïda Moumni, avocat associé
« La Légion étrangère constitue le volet militaire de la tradition séculaire d'accueil et d'intégration de la France » http://www.legion-etrangere.com/
En réalité, tout étranger qui intègre la Légion étrangère signe un contrat d’engagement mais ne se voit pas attribuer de titre de séjour en vue de résider régulièrement en France. Il bénéficie simplement d'une carte d’identité militaire durant toute la durée de son engagement.
Cette pratique constitue une entorse aux règles du droit au séjour en France prévu à l’article L311-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’Asile qui énonce que :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 121-1 ou des stipulations d'un accord international, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour.
Ce délai de trois mois peut être modifié par décret en Conseil d'Etat ».
La question du droit au séjour des légionnaires se pose à l’issue de leur engagement et ces derniers bénéficient d’une disposition spécifique prévue à l’article L 314-11 alinéa 7 du Code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui prévoit que :
« Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (…)
7° A l'étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l'armée française, titulaire du certificat de bonne conduite »
C’est ainsi que la régularisation des légionnaires est conditionnée à l’obtention d’un certificat de bonne conduite sans quoi, l’autorisation de résider en France leur est refusée, malgré leur engagement pour servir les intérêts de la France.
En effet, les services des préfectures habilitées à délivrer des titres de séjour considèrent que les années passées à la Légion étrangère ne constituent pas un séjour régulier en France à moins que le légionnaire puisse présenter un certificat de bonne conduite rendant presque impossible la reconnaissance d’un droit au séjour fondé sur l’engagement à la Légion.
Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris rendu le 7 mai 2015 a cependant jugé, s’agissant d’un ancien légionnaire qui n’était pas titulaire du certificat de bonne conduite, que son engagement à la Légion étrangère constituait une circonstance particulière justifiant la délivrance d’un titre de séjour d’une durée d'un an portant la mention « vie privée et familiale » en relevant que ce dernier avait participé à de nombreuses opérations militaires et notamment en Afghanistan.
Dans le cadre de cette affaire, ce légionnaire sollicitait un titre de séjour en vertu des dispositions de l’article L 314-11 alinéa 4 qui dispose que :
« Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (…)
4°-A l'étranger ayant servi dans une unité combattante de l'armée française »
Le Préfet de police lui avait refusé la délivrance d’un tel titre considérant que le demandeur ne justifiait pas d’un séjour régulier en France.
Le tribunal Administratif de Paris confirmait cette décision par jugement du 25 juin 2014.
La Cour administrative d’appel de Paris a annulé ledit jugement et par suite, la décision du préfet en tenant compte du parcours du légionnaire à la légion et plus particulièrement de sa participation dans des unités combattantes françaises.
La Cour administrative d’appel de Paris n’a malheureusement pas souhaité se prononcer sur la question de la régularité du séjour des légionnaires lorsqu’ils sont engagés à la Légion étrangère de sorte que la question du droit au séjour des légionnaires durant leur engagement reste ouverte
Cette pratique est en marge du droit applicable en France et une évolution est souhaitable.
Toutefois, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, qui n’est pas encore définitif à ce jour, ouvre une possibilité aux légionnaires qui ne sont pas titulaires d’un certificat de bonne conduite de faire valoir les années qu’ils ont passé à servir la France et d’obtenir ainsi un titre de séjour.
© MDMH – Publié le 26 mai 2015