Par Me Delphine MAHE, avocat collaborateur
Votée sous la IIIème République et directement inspirée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, aux termes duquel :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi »
la Loi du 29 Juillet 1881, dite Loi sur la Liberté de la Presse est traditionnellement considérée comme la clé de voûte de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en France.
Après plus d’un siècle de bons et loyaux services, la Loi de 1881, qui a été de nombreuses fois amendée pour tenir notamment compte des évolutions de la société française, n’en finit désormais plus d’être régulièrement torpillée par ses détracteurs qui n’y voient qu’une source devenue obsolète, terreau de joutes oratoires d’avocats vaines et dépassées.
Pourtant s’il est vrai que les rouages de cette Loi font souvent figure « d’intrus » face au droit commun, il apparaît nécessaire d’en maintenir la spécificité et le régime dérogatoire.
En adoptant la Loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la Lutte contre le terrorisme, le législateur a prévu que les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme seraient désormais inclus dans le Code pénal.
Il choisissait donc de soumettre la liberté d’expression au droit commun et de faire un affront public à la Loi du 29 Juillet 1881 qui prévoyait pourtant en son article 24 de réprimer la provocation et l’apologie du terrorisme en tant que de délits de presse.
La justification principale apportée à un tel revirement par ses défenseurs est la nécessité d’opter pour une « Justice rapide » en ayant la possibilité de juger ces affaires par la voie de comparutions immédiates notamment.
Une autre conséquence procédurale se situe sur le terrain de la prescription.
Au bref délai de 3 mois de prescription classiquement prévu par la Loi de 1881, sera substitué un délai de droit commun de 3 ans en matière délictuelle.
Cette politique pénale a nécessairement connu une accélération manifeste en raison des évènements dramatiques survenus au mois de janvier 2015, de la tuerie de « Charlie Hebdo » et de ses suites.
Ainsi par une circulaire en date du 12 janvier 2015, la Garde des Sceaux, Madame Christine TAUBIRA a expressément demandé aux procureurs de la République de faire preuve d’une extrême réactivité dans la conduite de l’action publique envers les auteurs de ce type d’infractions.
Le terrain de la discorde entre partisans et opposants au maintien du régime dérogatoire de la Loi de 1881 est incontestablement celui, abyssal, d’Internet, trop souvent qualifié de « zone de non droit ».
La Loi du 29 juillet 1881 est elle aujourd’hui capable d’apporter des réponses efficaces au tumulte et à la volatilité quotidiens des blogs et autres forums de discussion ?
Pour la Secrétaire d’Etat au Numérique, Madame Axelle LEMAIRE, si des condamnations pour violation de la liberté d’expression ont pu être prononcées, celles-ci, en raison de la complexité procédurale de la Loi de 1881 demeureraient trop rares et il conviendrait désormais « d’adapter la Loi de 1881 à l’ère du numérique »…
Toutefois, si les interrogations apparaissent nombreuses, la Loi du 29 juillet 1881, probablement gagnée par la sagesse des ans, demeure un rempart très solide contre les attaques à la liberté d’expression….
© MDMH – Publié le 25 juin 2015