Par Colette LEVY, juriste et Me Elodie MAUMONT, avocat associé,
Le Conseil de Prud’hommes de Tours a rendu, il y a quelques semaines, le 1er juillet 2015, une décision commentée en doctrine.
Il y reconnaît le harcèlement moral (article L1152-1 du Code du Travail et article 222-33-2 du Code pénal) et sexuel (article L1153-1 du Code du Travail et article 222-33 du Code pénal) dit environnemental dont a souffert une journaliste collaborant au sein du périodique « La Nouvelle République du Centre Ouest » non en ce qu’elle subissait directement des comportements la visant mais en raison d’une atmosphère de travail particulièrement nauséabonde.
Plus précisément, « Mme G » journaliste devait supporter en 2012 au sein de l’Agence de Châteauroux des conditions de travail particulièrement dégradées.
Ainsi, ses collègues « jouaient à s’insulter quotidiennement usant de mots sexuels et orduriers, bruitant des rapports sexuels se lançant des objets à la figure. Ils affichaient en fond d’écran de leurs ordinateurs des photos de femmes à forte poitrine et, sur un mur près du secrétariat de la rédaction, des photos mettant en scène des journalistes de la rédaction dans des positions suggestives. (…) »
Ne supportant plus cette atmosphère, cette journaliste se plaint à plusieurs reprises auprès de sa hiérarchie qui ne réagit pas de manière adéquate. Elle sera par la suite placée en arrêt maladie et demandera la résiliation de son contrat de travail.
Le Conseil des prud’hommes de Tours prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et condamne l’employeur à des dommages et intérêts dont la somme de 10.000 euros pour harcèlement moral et sexuel. La somme de 2.500 euros est également allouée à l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail qui était intervenue volontairement.
Manifestement, la juridiction prud’homale a entrepris de faire naître la notion de harcèlement environnemental et de condamner ainsi des comportements qui, sans viser directement la victime, créent une dégradation de ses conditions de travail.
Sans augurer des éventuelles suites judiciaires de la présente affaire, force est de constater que la décision tourangelle s’inscrit dans les suites de la décision du 10 novembre 2009 de la Chambre sociale de la Cour de cassation 2009 (Arrêt n° 2246 du 10 novembre 2009 (08-41.497) - Cour de cassation - Chambre sociale).
En effet, cette décision avait admis la notion de harcèlement managérial et retenu, en matière civile, que le harcèlement moral peut être constitué indépendamment de l’intention de l’auteur et qu’une technique de management utilisée pour tout un service voire toute une entreprise peut être considérée comme du harcèlement à partir du moment où il y a des effets individuels sur le salarié qui s’en estime victime.
Ces décisions de justice, respectueuses des textes de loi, permettent manifestement une meilleure appréhension des situations réellement vécues par les victimes.
© MDMH – Publié le 4 septembre 2015