Par Sébastien RONPHE, élève avocat et Me Elodie MAUMONT, avocat associé
Un innocent ça proteste, ça revendique et ça conteste ! Même si ses droits ne lui sont pas notifiés, il ne doit pas retourner sa veste !
Voilà le ressenti qui pourrait être éprouvé à la lecture de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 28 juin 2016, n° 15-84.032.
Dans cette espèce, un jeune homme s'est vu reconnaître coupable de fraude à un examen de médecine et de recel de bien.
Les maux de l'étudiant médecin peuvent apparaître d'autant plus difficiles à panser que, lors de sa garde à vue, ne lui ont été notifiés ni son droit d'être assisté d'un avocat ni celui de se taire.
Dans le cadre de cette avalanche d'irrégularités, ce jeune homme aux 23 printemps marqués par la virginité de son casier procédait à une reconnaissance de culpabilité.
Même si l'intéressé n'a jamais attesté de pressions exercées par les forces de l'ordre, il n'en demeure pas moins que recueillir des aveux dans de telles conditions constitue une violation de l’article 63-1 du Code de Procédure Pénale, ainsi que de l'article 6 de la CESDH.
Faisant fi de telles considérations de nature à contrarier son désir d'entrer en voie de condamnation, la juridiction d'appel considérait qu'il résultait des procès-verbaux des aveux circonstanciés et mesurés.
De plus, l'étudiant ayant reconnu avoir pris connaissance des sujets devant le juge d'instruction, il ne saurait soutenir sérieusement qu'il aurait été incapable d'exprimer fidèlement ce qu'il entendait devant les services de police.
S'ensuivait alors un pourvoi en cassation qui fut rejeté par la Haute juridiction dans les termes suivants
« attendu que, pour déclarer M. X. coupable de fraude dans un examen ou concours public et recel de délit, l'arrêt attaqué énonce notamment que le prévenu ne conteste pas à l'audience avoir jeté un œil sur les sujets d'examen ».
Si la décision de condamnation faisant suite à une violation des droits du gardé à vue ne constitue pas une innovation, le fait que le 1er attendu de la Cour de cassation invoque l'absence de contestation du prévenu pour justifier le rejet de son pourvoi paraît contestable.
Se baser sur l'absence de contestation pour confirmer un arrêt d'appel en partie fondé sur des déclarations effectuées en garde à vue sans notification de droits semble constituer un recul des droits de la défense.
L'ironie étant que la condamnation se trouve fondée sur une absence de contestation, soit l'expression d'un droit au silence qui n'avait pas été notifié en garde à vue.
La logique guidant cette solution pourrait s'avérer dangereuse. En effet, une transposition de celle-ci dans le cadre d'une violation de l'article 3 de la CESDH entraînerait des conséquences encore plus dommageables. Un gardé à vue avouant suite à des violences en garde à vue pourrait voir ses déclarations extorquées reprises par une juridiction qui s’attarderait sur la qualité de ces dernières tout en faisant fi des violations. La décision rendue ne serait alors pas cassée si l’intéressé « ne conteste pas » la constitution de l’infraction qui lui est reprochée.
Cette non contestation, qui pourrait pourtant se justifier par une crainte de réitération des violences à l'origine de son aveu, serait à même de fonder une décision de condamnation.
Dès lors, il convient retenir que celui qui ne hurle pas son innocence avoue sa culpabilité par son silence.
© MDMH – Publié le 30 août 2016