Le procès du médecin en chef de l'antenne bordelaise de la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale s'est tenu devant la formation spécialisée en affaires pénales militaires du Tribunal correctionnel de Bordeaux le vendredi 15 juin 2018.
Il était poursuivi pour harcèlement moral et sexuel à l’encontre de plusieurs de ses subordonnées.
Le web magazine Streetpress est revenu sur cette affaire :
Extraits et lien :
" (...) Harcèlement sexuel au quotidien
Très vite, elles s’aperçoivent que le médecin chef est « sans filtre ».Chacune y va de son anecdote sur son quotidien à la caisse ces années-là. Il y a les « blagues »quasi quotidiennes du chef : « sur les carottes »quand il y en avait au mess [restaurant militaire] à midi ; sur les radiateurs, « il n’y a pas que les radiateurs qu’on ramone ici, hein Madame »; sur les rubans roses distribués pour sensibiliser au cancer du sein, « moi aussi j’en ai un de nœud rose »…Il y a aussi les remarques sexistes, « pour lui, si on réussissait mieux les missions de relation-client, c’est parce qu’on avait un cul et des seins, ce sont ses mots» et les propos intrusifs. À l’époque, Jacqueline est médecin adjointe de l’antenne depuis 2010, la seule militaire avec le colonel R., le chef. Dégoûtée, elle raconte :
« Il nous a parlé de tout : de sa sexualité, de celle de sa femme, de celle de ses filles, de la nôtre, au vu du nombre d’enfants qu’on peut avoir… »
(....) Qui dit emprise dit souvent du temps pour comprendre et pour s’en libérer. « C’est la fable de la grenouille », illustre Me Élodie Maumont, le conseil des trois plaignantes. « Si vous plongez une grenouille dans une casserole d’eau bouillante, elle fuit ; alors que si vous mettez une grenouille dans une casserole d’eau froide et que vous augmentez peu à peu la température, elle ne se rendra pas compte qu’elle se fait ébouillanter et elle meurt. » (...)
Un long combat
(...) L’inspecteur enjoint alors au directeur de la Caisse de « mettre fin à la situation ». Fin 2015, Marie et Séverine profitent d’un séminaire à Toulon pour rencontrer le directeur. « J’attendais juste qu’il me dise : “On est là, on va faire quelque chose” », se remémore Marie. Mais l’entretien tourne à l’évaluation professionnelle :
« À la fin, le directeur a conclu en disant qu’il n’y avait pas de harcèlement à l’antenne et qu’on devait soutenir notre chef, parce que s’il lui arrivait malheur, on pourrait le regretter. »
Le colonel minimise
Ce vendredi 15 juin 2018, le colonel est donc seul face à la chambre des affaires militaires de Bordeaux. Son récit revêt la concision et le ton péremptoire qu’on connaît aux militaires. L’ambiance tendue au bureau ? « C’est en partie dû à des missions supplémentaires et il y avait des tensions entre personnel masculin et féminin avant mon arrivée. » Son incompétence et ses erreurs, qui auraient « coûté très cher à la Caisse » dixit plusieurs agentes, obligées de mettre les bouchées double derrière ? « C’est un contentieux très technique et je ne faisais pas plus d’erreurs que les autres chefs d’antenne. » « Les blagues sexistes, les menaces de fessées » ?
« J'ai un langage un peu carabin, mais elles exagèrent énormément. Ce n'était pas quotidien.»
S’il s’est trop épanché sur sa vie intime, en racontant notamment qu’il était « éjaculateur précoce » ? « Les discussions à ce sujet n’étaient pas à sens unique, monsieur le Président. Et si j’ai pu aborder ces sujets, c’est que l’on était très proches. » Les dénonciations des quatre femmes, en somme ? « Des accusations mensongères pour la plupart. » La preuve : Marie et Séverine ont mangé avec lui à midi pendant des années, pendant des « repas de cohésion ».
Maîtres Élodie Maumont et Hannelore Mougin embrayent sur le quotidien de leurs clientes depuis cette affaire. Jacqueline et Marie sont toujours à l’antenne, persuadées qu’elles vont « traîner des casseroles à vie ». Et Séverine, qui a développé un cancer en 2015 alors qu’elle « n’a ni le terrain propice ni l’âge », a fait le « choix de sa santé » en changeant de caserne. Les deux avocates réclament 20.000 € de dommages et intérêts pour chacune de leurs clientes. Isabelle, venue sans avocate, demande 3.000 €.
Après quoi le procureur Jean-Louis Rey sermonne le colonel : « Que l’on parle cul-con-bite tous les jours ou tous les deux jours, qu’est-ce que ça change ? C’est un véritable scandale ! » Le magistrat, pas tendre non plus avec l’administration – « la CNMSS s’est montrée réactive à partir du moment où elle a compris qu’elle ne pouvait pas faire autrement » – requiert une peine de prison assortie du sursis, mais « significative, entre six et huit mois ».
(...) La décision, mise en délibéré, sera rendue le 6 juillet 2018."
Par Charlotte HERVOT
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© MDMH – Publié le 20 juin 2018