Par Aïda MOUMNI, avocat associé
Les dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS ne cessent encore de soulever bon nombre de questions juridiques.
Après la clarification du délai de prescription applicable en matière d’avance de solde et de rémunération et du régime d’interruption de cette prescription, s’est posée la question de savoir si les lettres de notification émises notamment par le CERHS de Nancy devaient être considérées comme des décisions susceptibles d’un recours contentieux ou non.
Les militaires touchés par ce logiciel ne savent que trop bien malheureusement, les incertitudes dans lesquelles le ministère des armées les a placés durant plusieurs années en notifiant des décisions les unes à la suite des autres, tantôt pour annoncer un trop versé et des prélèvements sur solde, tantôt pour annoncer une émission prochaine d’un titre, tantôt un réexamen de situation … le tout devant être contesté devant la commission des recours des militaires sous peine d’être privé d’un recours contre le trop versé lui-même sans compter les éventuels titres de perception qui pouvaient être émis par la suite.
Ainsi pour un même trop versé un militaire pouvait être amené à contester deux voire trois décisions ou plus, outre le titre exécutoire.
De plus, le régime juridique applicable est différent selon qu’il s’agit :
C’est dans ce contexte « d’inflation » décisionnelle imposée par le ministère des armées que le tribunal administratif de Bordeaux et plus précisément le rapporteur public, à l’occasion du jugement de l’affaire de l’un des clients de MDMH AVOCATS, avait proposé de considérer la requête comme irrecevable au motif que la lettre notifiant un trop versé et une proposition de recouvrement ne serait en réalité qu’une lettre d’information sans caractère décisionnel, concluant dès lors qu’il convenait de contester uniquement les prélèvements directement subis sur la solde ou le titre de perception s’il est émis.
MDMH AVOCATS avait fait valoir qu’une telle solution aurait rendu encore plus complexe les contestations des trop versés dès lors que le militaire se trouverait démuni et privé d’un recours puisqu’ il lui aurait fallu deviner laquelle des décisions il devait contester et par suite deviner quelle entité juridique saisir de son recours préalable.
En outre, il va sans dire qu’il appartient à l’autorité décisionnaire de donner à ses actes le caractère juridique adéquat et qu’il n’appartient nullement au requérant de découvrir les voies de recours opportunes.
Le tribunal a finalement décidé avant de statuer de transmettre une demande d’avis au Conseil d’Etat afin de savoir quel devait être le droit applicable en la matière.
Le Cour suprême a ainsi clarifié le régime juridique des trop versés « LOUVOIS » en précisant bien que la lettre notifiant la répétition d’un indû et proposant des modalités de recouvrement est bien susceptible de recours devant la commission de recours des militaires alors que dans le cas où le ministre des armées annonce l’émission d’un prochain titre de perception, seul celui-ci peut faire l’objet d’un recours devant la direction des finances publiques compétente.
Cela permet ainsi de former un seul recours et simplifie grandement les démarches des militaires impactés.
Par ailleurs, la haute juridiction confirme que le contentieux relatif aux trop versés relève du plein contentieux ce qui signifie que la juridiction devra contrôler le bien fondé de la demande et éventuellement y substituer un montant différent après examen des prétentions de chacune des parties.
Cette solution est également souhaitable afin de permettre aux militaires de faire valoir leurs griefs et obtenir de la part du ministère des armées, des explications plus claires quant aux sommes réclamées ce qui fait malheureusement souvent défaut et in fine obtenir un contrôle objectif.
En attendant que le logiciel LOUVOIS cesse définitivement ses méfaits, les militaires savent désormais sur « quel pied danser ».
Avis du Conseil d'Etat du 25 juin 2018 n° 419227
© MDMH – Publié le 4 juillet 2018