Par Elodie MAUMONT, avocat associé
Nulle trêve des confiseurs (https://www.mdmh-avocats.fr/2017/12/22/joyeuses-fetes-de-fin-dannee/) pour les pensions militaires d’invalidité cette année.
En effet est paru au journal officiel du 29 décembre 2018 le Décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018 pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense et créant un recours administratif préalable obligatoire en matière de pensions militaires d'invalidité. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/12/28/ARMD1830680D/jo/texte
Attendu, ce texte conforme au projet qui avait été présenté et que nous avions évoqué dans un de nos articles (https://www.mdmh-avocats.fr/2018/10/17/la-cour-administrative-dappel-de-paris-confirme-le-droit-au-benefice-de-laide-juridictionnelle-sans-condition-de-ressources-pour-le-contentieux-des-pensions-militaires-dinva/) organise la procédure de recours administratif préalable obligatoire (RAPO) en matière de pension militaire d’invalidité. (PMI)
Résumé dans sa notice dans les termes suivants: « le décret modifie certaines dispositions du livre I du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) afin d'une part, de supprimer les références à la commission de réforme des pensions militaires d'invalidité (CRPMI), qui est supprimée et par voie de conséquence les références au constat provisoire des droits à pension, acte préparatoire qui seul pouvait faire l'objet d'une saisine de la CRPMI. Le décret modifie ensuite le livre VII du CPMIVG afin d'y insérer l'ensemble des dispositions relatives à la composition et au fonctionnement de la commission des recours des pensions militaires d'invalidité et à l'instruction des recours administratifs préalables obligatoires. » le décret instaure dans la partie réglementaire du CPMIVG des dispositions analogues à celles relatives au RAPO devant la CRM du Code de la défense (cf. articles R 4125-1 et suivants).
La commission créée porte le nom de Commission de recours de l’invalidité et sera vraisemblablement connue sous l’acronyme CRI à l’instar de la Commission de recours des militaires connue sous l’acronyme CRM.
Il est inséré 3 chapitres et une vingtaine d’articles (articles R 151-7, R 151-12 et R 151-18 et articles R 711-1 à R 711-16) qui méritent d’être lus en leur intégralité.
Mais, en substance et pour l’essentiel, le Décret précise :
-
- S’agissant de la décision pouvant être déférée et contestée en premier lieu devant la CRI, l’article R 151-18 du CPMIVG énonce :« Art. R. 151-18. - Lorsque l'instruction du dossier est achevée, le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre, prend une décision de rejet de la demande, ou notifie au demandeur la transmission du dossier de pension au service désigné par le ministre chargé du budget pour liquider et concéder les pensions du présent code. Ce dernier service procède à l'attribution de la pension et à l'envoi du titre de pension ou indique, s'il y a lieu, au service instructeur, les raisons pour lesquelles il rejette, en tout ou partie, l'attribution de la pension.
L'absence de décision notifiée par le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de réception d'une demande de pension vaut décision de rejet de cette demande. Le délai de quatre mois est interrompu à compter du jour où le demandeur a été informé par l'administration, par tout moyen conférant date certaine de réception, qu'une expertise médicale sera réalisée. Le nouveau délai commence à courir à compter de la date à laquelle le demandeur est informé, par tout moyen conférant date certaine de réception, que le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants a reçu l'ensemble des conclusions des expertises médicales ou, au plus tard, six mois à compter de la date à laquelle le demandeur a été informé de la décision de diligenter une expertise médicale. » ;
- Le recours à la commission de recours de l’invalidité est obligatoire et ce, sous peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
- Le secrétariat de la commission de recours de l’invalidité est assuré par le secrétariat permanent de la CRM
- A l’instar des dispositions relatives à la CRM, la médiation ne peut prospérer si un recours est formé
- Le délai classique pour contester la décision entreprise devant la CRI est de 6 mois à compter de la notification, hors délai de distance
- Le recours doit être accompagné d’une copie de la décision contestée et doit être motivé (mention des griefs)
- La composition de la commission est fixée aux articles R 711-3 à R 711-9,
- Son fonctionnement et les règles d’instruction des recours sont définis aux articles R 711-10 et suivants et il peut être retenu que :
- Le requérant peut être auditionné – y compris par visio-conférence - par la commission s’il en fait la demande dans le délai d’un mois suivant la réception de la correspondance du président de la CRI l’informant de ce droit,
- Ses frais de transport sont pris en charge selon des modalités restant à définir,
- Les membres de la commission ainsi que les rapporteurs procèdent à toute mesure utile à l’examen du recours, à l’exception des expertises médicales qui ne peuvent être diligentées qu’avec l’accord du président.
- Enfin l’article R 711-15 énonce : Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé sa décision prise sur le recours, qui se substitue à la décision contestée. L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. Le délai de quatre mois est suspendu à compter du jour où le président a informé le demandeur, par tout moyen conférant date certaine de réception, qu'une expertise médicale est diligentée. Le délai recommence à courir à compter de la transmission au demandeur des conclusions de l'expertise médicale, par tout moyen conférant date certaine de réception ou, au plus tard, quatre mois à compter de la date à laquelle le demandeur a été informé de la réalisation de l'expertise médicale »
Le texte rentrera en vigueur le 1er novembre 2019.
Si unanimement l’on peut se satisfaire de l’adoption de l’article R 151-18 qui devrait accélérer le traitement des demandes de pension militaire d’invalidité ou à tout le moins permettre de déférer les éventuelles décisions implicites de rejet naissant du silence conservé par l’administration durant quatre mois dans les conditions toutefois précisément définies et limitées par le même texte, d’ores et déjà le décret suscite les premières inquiétudes et interrogations suivantes :
- Comment le secrétariat de la CRM, elle-même totalement débordée aujourd’hui, pourra-t-il assurer cette fonction de secrétariat de la CRI ?
- Pourquoi empêcher une médiation même en cas de recours, formé pour éviter la forclusion et interrompre les délais de recours contentieux ?
- Qu’en est-il des mesures d’expertise médicale pouvant être ordonnées ? Pourquoi lesdites mesures ne peuvent-elles être diligentées qu’avec l’accord du président de la CRI ? Qu’en est-il des experts désignés ?
- Qu’en est-il de l’aide juridictionnelle, des frais de procédure ?
- Qu’en est-il de l’assistance d’un représentant, d’un mandataire, de l’avocat aux côtés du requérant ?
- La CRI sera-t-elle réellement en mesure de notifier au requérant une décision dans le délai de 4 mois mentionné à l’article R 711-15 du CPIVGM ?
Sans nul doute de nombreuses autres questions et interrogations verront le jour tant avant qu’après l’entrée en vigueur du texte ...
Il y aura lieu également d’analyser les règles de fonctionnement de la commission et les modalités d’examen des recours dont l’article R 711-16 indique qu’elles seront précisées par arrêté conjoint du ministre de la défense (sic) vraisemblablement des armées et du ministre chargé du budget.
MDMH AVOCATS demeure attentif et vigilant.
© MDMH – Publié le 4 janvier 2019
Avocat associé et fondateur - Spécialisé en droit pénal avec la qualification spécifique droit pénal militaire
Dotée d'une expertise reconnue en droit des militaires, des personnels de défense et de sécurité intérieure, et exerçant depuis plus de 20 ans, Elodie MAUMONT a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux de carrière des militaires et des gendarmes (notation, mutation, avancement, habilitation secret défense ...) le contentieux disciplinaire (sanction, conseil d’enquête) et le contentieux pénal des militaires et anciens militaires (désertion, harcèlement, violences, outrages, voies de fait, compromission, blessures et homicides involontaires ...). Elle intervient conjointement avec Aïda MOUMNI dans le cadre du contentieux médico administratif des militaires (jurisprudences BRUGNOT et autres) en lien avec les problématiques de souffrance au travail, harcèlement, discriminations…
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