Par Me Aïda MOUMNI, avocat associé
Par un arrêt rendu le 17 mars 2017 , le Conseil d’Etat a consacré le droit pour le demandeur d’une pension militaire d’invalidité de former s’il le souhaite préalablement à la saisine du tribunal des pensions militaires d’invalidité, un recours gracieux auprès de l’administration compétente.
Ainsi, les demandeurs d’une pension en vertu du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) bénéficient de la conservation de leur droit à un recours juridictionnel durant le temps d’examen de leur recours gracieux.
C’est ainsi que le Conseil d’Etat a fait application d’une règle d’ores et déjà applicable en droit administratif selon laquelle tout recours gracieux préserve le délai de recours contentieux.
Ainsi, le délai légal de 6 mois pour saisir la juridiction compétente recommence à courir à compter du rejet implicite ou explicite du recours gracieux formé.
La juridiction suprême va même plus loin et précise dans son arrêt que ce principe s’applique même en cas de notification expresse des voies et délais de recours à l’intéressé.
A cet effet le ministère des armées soulevait dans cette espèce que le requérant, qui sollicitait une pension d’invalidité au titre de la guerre d’Indochine était irrecevable en sa demande dès lors qu’il n’avait pas saisi le tribunal des pensions dans le délai légal qui lui avait été expressément notifié conforment à l’article L25 du CPMIVG (actuel article ...) et que son recours gracieux formé durant ce délai n’avait pas pu avoir pour effet de le suspendre dès lors que le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes civiles de guerre et notamment le décret n 59-237 du 20 février 1959 ne prévoient pas cette possibilité.
La cour régionale des pensions de Bordeaux avait suivi le raisonnement du ministère des armées.
Le Conseil d’Etat a censuré cet arrêt considérant qu’il était entaché d’une erreur de droit. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034209356&fastReqId=48107742&fastPos=5
En effet, il a relevé que « (...) [ni les dispositions précitées] ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne font obstacle à ce que le destinataire d'une décision prise en matière de pensions militaires d'invalidité forme un recours gracieux, que ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne font obstacle à ce que le destinataire de la décision forme un recours gracieux, prorogeant le délai de recours contentieux, contre celle-ci ; que sont, à cet égard, sans incidence les circonstances qu'en vertu de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la notification des décisions doit mentionner que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours et que l'article 6 du décret du 20 février 1959 organise une procédure préalable de conciliation entre l'administration et l'intéressé lorsque le tribunal des pensions, statuant comme juge du plein contentieux, est saisi d'un recours contre cette décision »
Cet arrêt est très encourageant car il consacre le droit pour les demandeurs d’une pension au titre du code des pensions militaires d’invalidité à bénéficier d’un un recours amiable tout en préservant la possibilité en cas d’échec de saisir le juge en vue de trancher le litige.
Cette solution devrait toutefois être remise en cause avec la loi nouvelle loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 qui a opéré le transfert du contentieux des pensions militaires d’invalidité aux juridictions administratives et instauré un recours préalable obligatoire devant la commission des pensions d’invalidité qui est, en principe, exclusif de tout autre recours.
© MDMH – Publié le 5 avril 2019