La Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (L. n°2019-222 du 23 mars 2019, JO 24 mars) a généré de vives discussions et mobilisations en amont de sa promulgation.
Aujourd’hui encore, certaines des mesures votées ne sont pas sans susciter des interrogations et seul le temps nous permettra de juger de cette orientation de politique pénale.
Parmi les nouveautés introduites dans le code de procédure pénale et parfois passées inaperçues, nous avons souhaité mettre en lumière la problématique du rappel à la loi.
Selon une définition classique du système pénal français consacrée à l’article 40-1 du Code de procédure pénale, le Procureur de la république jouit du principe d’opportunité des poursuites.
Ainsi, lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :
1° Soit d'engager des poursuites ;
2° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1, 41-1-2 ou 41-2 ;
3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient.
L’article 41-1 du Code de procédure pénale énumère ainsi une série de mesures alternatives aux poursuites décidées par le représentant du ministère public lorsqu’elles lui paraissent de nature à assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou contribuer au reclassement de l’auteur des faits.
Parmi ces mesures, nous retrouvons notamment l’orientation vers une structure sanitaire sociale ou professionnelle, l’accomplissement d’un stage, la réparation du dommage causé à la victime, le rappel à la loi.
Le rappel à la loi, qui constituent d’après le rapport n°331 du sénateur F. PILLET pour la commission des lois du sénat (25/01/2017) plus de 50% des procédures alternatives aux poursuites n’exige pas une reconnaissance de culpabilité de la part de l’auteur de l’infraction.
La Cour de cassation a également jugé que cette mesure « prise par une autorité de poursuite n’établit pas la culpabilité de la personne suspectée ou poursuivie » (Cass. Crim. 6 décembre 2011, n°11-80419).
Autrement dit, le rappel à la loi s’analyse comme un avertissement formel de la part de l’autorité judiciaire et d’un classement sans suite, plus qu'une véritable alternative aux poursuites.
Or, il sera relevé que la Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (L. n°2019-222 du 23 mars 2019, JO 24 mars) a introduit à l’article 41- 1 du Code de procédure pénale une nouvel alinéa rédigé comme suit :
« 7° Demander à l'auteur des faits de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime. »
Cette interdiction de paraître qui peut être décidée d’office par le représentant du Ministère public interpelle.
En réalité, cette modification de la loi revient à accroître les pouvoirs du Parquet, lequel peut désormais décider d’entraver la liberté d’aller et venir d’un justiciable en dehors de tout débat contradictoire, de déclaration de culpabilité et de tout recours possible.
En effet, cette mesure, couplée dans la pratique à celle du rappel à la Loi est décidée par le seul représentant du Ministère Public, et donc en dehors de toute décision d’un juge du siège, garant des libertés individuelles.
© MDMH – Publié le 12 juin 2019
Pour aller plus loin :
Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038261631&categorieLien=id