La désertion militaire est un délit du Code de justice militaire défini et réprimé aux articles L 321-2 à L 321-17 du Code de justice. Le même Code incrimine également la provocation à la désertion (article L 321-18) et le recel de déserteur (article L 321-19). Nombreux s'interrogent sur les peines réellement prononcées par la justice militaire.
Il y a quelques jours, MDMH AVOCATS avait, une fois encore, l'honneur de défendre à l'audience du vendredi 29 septembre 2019 par devant la chambre spécialisée en Affaires Pénales Militaires près le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE, un jeune homme poursuivi pour désertion.
Presqu'un an, jour pour jour, après notre précédent article paru le 3 octobre 2018 et évoquant l'audience du 28 septembre 2018 MDMH AVOCATS a assisté presque intégralement à l'audience relativement chargée de la juridiction toulousaine.
A l'exception de deux prévenus, l'un venant sur demande d'exclusion de la mention de la condamnation au Bulletin n° 2 du casier judiciaire, affaire appelée en Chambre du conseil, et donc hors la présence du public, et un autre comparaissant pour blessures involontaires, violation de consignes et conduite d'un véhicule à une vitesse excessive, 9 autres prévenus (sauf erreur) comparaissaient pour des faits de désertion.
Tout au long de l'audience, les cas se sont succédé et quasiment tous ont décrit lassitude, désillusion, promesses non tenues … notamment lors de missions Vigipirate, sentinelle mais pas seulement.
Ont été également évoqués des dépressions, des arrêts maladie, des demandes de mutation non satisfaites, des demandes de résiliation qui n'ont même pas franchi le seuil du chef de section, mais également des brimades suite à un problème médical rencontré en stage commando ou encore la désillusion de déserteurs du 1er RCP évoquant un accident de saut en parachute en 2016 ayant entrainé le décès d'un personnel et 20 blessés dont 6 graves dans des conditions qui, selon, les termes d'un des prévenus "n'étaient pas réunies", prévenu dont le récit laissait à craindre qu'il pouvait souffrir d'un syndrome post traumatique.
Monsieur le Procureur de la République requerrait généralement des peines allant de 1 à 2 mois d'emprisonnement pour les cas les plus sensibles et de 2 à 3 mois pour les autres, acceptant de temps à autre de se prononcer en faveur d'une exclusion de la mention de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
MDMH AVOCATS a plaidé en demandant à la juridiction toulousaine de rentrer en résistance et de ne plus accepter d'être ainsi instrumentalisée par une institution militaire qui est incapable de traiter une "instabilité et une érosion non maîtrisée des effectifs" pour reprendre les mots de Monsieur le Substitut de la République près le Tribunal de Grande Instance de Marseille, mots cités dans l'ouvrage "Mauvaise troupe - La dérive des jeunes recrues de l'armée française" de Justine Brabant et Leïla Minano paru aux éditions Les Arènes en septembre 2019
"Instrumentalisée" car on fait peser sur la justice le poids et la charge des défaillances d'un système qui ne peut plus fonctionner avec une génération Millénials, une société d'information continue.
MDMH AVOCATS a plaidé en indiquant que le constat de "Mauvaise troupe"' était affligeant, pour l'Armée mais également pour la justice.
MDMH AVOCATS a interrogé la juridiction de jugement sur nos principes de justice, d'individualisation de la peine, du droit à une procès équitable quand les journalistes évoquent à juste titre un traitement à la chaîne des dossiers - 20 secondes en moyenne par affaire selon leurs statistiques, et des peines systématisées, uniformisées quelques soient les états de services des déserteurs, quelques soient le désertion, quelques soient les circonstances qui les ont conduit à renoncer à leur engagement qui était pour beaucoup une vocation.
MDMH AVOCATS a demandé de rentrer en résistance en ne suivant pas les réquisitions du parquet et en usant de l'arsenal juridique qui permet d'adapter la sanction pénale.
MDMH AVOCATS a demandé à la juridiction de jugement de pousser, par ses décisions, cette grande et belle Institution qu'est l'Armée à se remettre en cause.
Pour aller plus loin :
La désertion militaire : un délit du Code de justice militaire
© MDMH – Publié le 04 octobre 2019