Il est un contentieux riche qui est celui du lien au service de l'affection dont un militaire peut souffrir et ayant donné lieu à l'attribution d'un Congé de Longue Maladie (CLM) ou d'un Congé de Longue Durée pour Maladie (CLDM) après accident ou maladie contractée à l'occasion ou du fait du service et nous avons eu l'occasion de l'aborder à plusieurs reprises sur notre blog. Les personnels civils de la défense et plus généralement les fonctionnaires sont eux aussi concernés par cette problématique. Un arrêt rendu le 31 mars 2020 par la Cour administrative d'appel de Nantes en est une parfaite illustration et vient nous éclairer sur les critères d'appréciation du juge administratif.
Dans cette affaire, Madame C. personnel civil de la défense, adjoint administratif de 1ère classe avait été reçue par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d'évaluation professionnelle ou notation.
Particulièrement déstabilisée par cet entretien qu'elle avait considéré comme difficile, Madame C. a consulté son médecin traitant dès le lendemain, lequel l'avait placé en arrêt maladie pour un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire.
Sollicitant la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet arrêt de travail qui avait été prolongé plusieurs mois, Madame G. s'est vue opposer une décision de rejet de sa demande et a saisi la juridiction administrative.
La décision contestée du Ministre de la Défense a été annulée par le tribunal administratif de RENNES.
Insatisfaite de cette décision, la Ministre des Armées a interjeté appel du jugement et la Cour administrative d'appel de Nantes s'est ainsi prononcée le 31 mars 2020.
Confirmant la décision de première instance, la Cour administrative d'appel de NANTES dans son arrêt du 31 mars 2020 a d'abord réaffirmé :
"3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce."
et contrôlant les faits de l'espèce a retenu :
"4. Il ressort des pièces du dossier et notamment, tant du courrier adressé par Mme C... le 10 février 2015 au capitaine de frégate, directeur du service logistique de la marine de Brest, que du rapport établi le 21 mai 2015 par la chef du groupement des affaires administratives, supérieur hiérarchique de l'intéressée, qu'au cours de son entretien professionnel la qualité de ses relations avec ses collègues a été évoquée défavorablement, des difficultés ayant été observées à plusieurs reprises et ayant nécessité plusieurs réunions de service. Il a en outre été demandé à Mme C..., accusée d'avoir proféré des propos à caractère xénophobe, de " ne plus émettre d'observations sur des sujets sociétaux " et d' " observer la neutralité qui s'impose à chacun dans le cadre professionnel ". Il est constant que cette dernière a alors quitté précipitamment cet entretien en raison des reproches qui lui ont été adressés et que le lendemain, elle a produit un arrêt de travail de son médecin traitant confirmant l'avoir reçue " en état de choc avec une anxiété généralisée majeure réactionnelle ". Si sa chef de service indique dans son rapport du 21 mai 2015, être restée calme au cours de cet entretien et avoir conservé un ton mesuré, le docteur Baranger, expert psychiatre, a constaté le 27 juillet 2015, que Mme C... évoquait encore à cette date cette situation avec une " labilité émotionnelle " et présentait un " tableau anxiodépressif ayant fait suite au contenu d'un entretien d'évaluation professionnelle à l'origine d'une blessure narcissique. ". Selon lui, les troubles anxiodépressifs apparus chez cet agent à compter du 11 février 2015 " sont en relation directe avec le travail ". Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, en portant cette appréciation, cet expert ne s'est pas borné à reprendre les doléances de Mme C... mais a analysé sa situation médicale en toute impartialité et objectivité. Si la commission de réforme a estimé pour sa part, que sa pathologie ne présentait " pas de lien direct unique et certain " avec le service, ajoutant un critère d'exclusivité prévue ni par le texte, ni par la jurisprudence, elle n'a fait état d'aucun autre évènement personnel et privé de nature à justifier l'origine des troubles psychologiques de Mme C.... Pour sa part, la ministre des armées se borne en appel à indiquer qu'un entretien d'évaluation professionnelle ne peut être regardé comme un évènement soudain et violent de nature à caractériser l'existence d'un accident de service au sens des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, sans évoquer aucune circonstance particulière permettant de détacher du service la pathologie présentée par Mme C... immédiatement après son entretien d'évaluation. Par suite le ministre de la défense ne pouvait refuser de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... compris entre le 11 février et le 30 septembre 2015.
5. Il résulte de ce qui précède, que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 7 mars 2016 du ministre de la défense, lui a enjoint de reconstituer la carrière de Mme C... en lui versant les rappels de traitement auxquels elle a droit et en prenant en charge les dépenses de santé y afférentes et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative."
Par cette décision, la Cour administrative d'appel étend donc la présomption d'imputabilité d'accident de service à cet évènement traumatique qu'a été l'entretien professionnel d'évaluation annuel de Madame C lui occasionnant des troubles dont elle s'est plaint et qui ne pouvaient manifestement pas s'expliquer pour une autre cause que celle de l'entretien.
© MDMH – Publié le 25 septembre 2020