Les administrations ont souvent recours à la publication de notes générales appelées circulaires en vue d'assurer la mise en œuvre de une règlementation dans le cadre de leur service ou d'harmoniser des pratiques tendant à l'instruction de dossiers ou de missions particulières.
Traditionnellement, ces circulaires ou notes générales qui sont plus communément appelées Instructions au sein du ministère des armées et de la Gendarmerie Nationale, sont considérées comme des orientations d'ordre général qui ne sont sont pas susceptibles d'êtres attaquées devant le juge administratif ni être considérées comme créatrices de droit en faveur des militaires concernées.
La justice administrative a cependant évolué pour reconnaitre dans un premier temps que les circulaires à caractère règlementaires pouvaient être attaquées c'est à dire que dès lors que le texte dispose de normes impératives, elles sont considérées comme pouvant faire grief et dès lors susceptibles de recours.
Ainsi, le conseil d'Etat avait jugé par un arrêt du 13 janvier 2010 n° 321416:
"(...) l'interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli notamment si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives qu'elle entendait expliciter".
Le conseil d'Etat est allé plus loin par une récente décision en date du 12 juin 2020 en jugeant que :
"(...) 1. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
2. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure".
Cet arrêt vise plus particulièrement la situation des instructions qui ont pour but de régir le situation des usagers du service public toutefois cette arrêt constitue une évolution intéressante dès lors que le conseil d'Etat étend son contrôle sur des textes qui étaient traditionnellement écartés des débats en les considérant comme dépourvus de valeur légale.
Il arrive fréquemment que les instructions publiées par l'institution militaire régissent la situation des militaires tant dans leurs droits financiers que dans leur situation administrative et statutaire qui peuvent octroyer des droits ou au contraire ajouter des conditions légales non prévues par les textes.
ainsi, par cet arrêt il est judicieux de demander au ministre concerné par la circulaire litigieuse de l'abroger et en cas de rejet d'en demander l'annulation par le juge administratif.
de même dans le cadre de contentieux en cours, il sera possible de demander d'écarter la circulaire qui fait grief au militaire ou au contraire de revendiquer un droit issu de la circulaire si elle octroie un droit opposable à l'administration.
© MDMH – Publié le 28 octobre 2020
credit photo steven-lasry-l1RI3fuKyV8-unsplash