Il y a quelques mois, MDMH AVOCATS faisait part, avec fierté et satisfaction, à ses lecteurs et visiteurs, de la décision rendue par le Tribunal administratif de TOULOUSE le 13 mars 2019 faisant droit à 3 requêtes présentées par une Maréchal des Logis Chef de la Gendarmerie nationale s'agissant de la contestation de l'absence de lien au service reconnu de l'affection dont elle souffrait et ayant donné lieu à un premier placement en Congé de Longue Durée pour Maladie (CLDM) pour une période de 6 mois puis à plusieurs renouvellements. Insatisfaits, les services de Monsieur le Ministre de l'Intérieur en interjetaient appel. Après plus de 2 ans 1/2 de procédure et d'attente, la Cour administrative d'appel de BORDEAUX confirme cette décision par un arrêt du 28 octobre 2021.
De l'intérêt de contester l'absence de lien au service de l'affection
Ainsi que nous le rappelions dans notre article précité, MDMH AVOCATS est régulièrement saisi de la situation de militaires qui, après épuisement de leurs droits à congé maladie (180 jours), basculent en position de non-activité et se voient placer en Congé de Longue Durée pour Maladie (CLDM) souvent renouvelés et pour lesquels l’Institution refuse de reconnaître le lien au service de l’affection à l’origine desdits congés.
Souvent, ces contentieux sont accessoires et parallèles à d’autres contentieux relatifs à la situation professionnelle du militaire de tous corps dont la Gendarmerie nationale, tels que des contentieux relatifs à des situations dénoncées de harcèlement moral ou sexuel, à des demandes de mise en œuvre de la protection fonctionnelle, ou encore aux contentieux relatifs à la contestation de Mutations d’office dans l’intérêt du service (MOIS ou MIS) … voir même à des procédures de sanctions disciplinaires ou à des procédures pénales en cours.
Nous indiquions alors que "Même si le parcours procédural ressemble à un véritable parcours du combattant – pour bien le nommer pour un militaire -, force est de constater qu’il mérite d’être mené et qu’il est souvent couronné de succès tant l’Institution demeure figée dans ses certitudes et manque de procéder à un examen sérieux et circonstancié des cas soumis à son appréciation".
Nous ajoutions que "L’enjeu est loin d’être anodin pour le militaire"
Nous complétions en indiquant : "Il l’est également et sans nul doute pour l’Institution notamment en termes de finances publiques et peut expliquer les rejets stéréotypés et quasi systématiques des recours administratifs préalables et obligatoires formés par devant la Commission des recours des militaires dont MDMH AVOCATS a pu prendre connaissance.
En effet, outre le fait que la reconnaissance du lien au service de l’affection est pour le militaire une première reconnaissance d’une situation vécue à titre professionnel démontrant ce faisant à titre d’exemple que la dépression ou le syndrome anxiodépressif dont il souffre n’est pas lié à sa personne mais au service, il convient de rappeler que la durée du congé et sa rémunération dépendent précisément de la reconnaissance du lien ou non au service de l’affection à l’origine dudit congé.
L’enjeu est bien là et interroge notamment dans une armée au service de la Nation où il pourrait être entendu et reconnu qu’il est opportun et naturel de protéger les militaires malades du fait de leur service …"
Deux années se sont écoulées et nous pouvons faire, à regret, aujourd'hui le même constat s'agissant de la prise en considération de la part de l'Institution de ces situations.
En revanche, au cours de ces deux années, diverses décisions de juridictions administratives tant de première instance que d'appel sont venues confirmer l'analyse de MDMH AVOCATS en la matière et faire tomber quelques arguments de principe de l'administration tels que celui de l'absence de valeur des certificats médicaux établis par les médecins civils, encore trop souvent opposé dans ce type de contentieux.
La valeur des certificats médicaux établis par les médecins civils
L'arrêt rendu par la Cour administrative d'Appel de BORDEAUX le 28 octobre 2021 (19BX01942) est de ce chef particulièrement clair et retient expressément :
"En premier lieu, pour demander l'annulation du jugement contesté, le ministre de l'intérieur fait valoir que seul le service de santé des armées était compétent pour apprécier l'existence d'un lien entre la pathologie du militaire et le service et qu'ainsi les premiers juges ne pouvaient se fonder sur les éléments médicaux émanant des services de santé civils qui ont suivi ........... Toutefois, si la procédure à l'issue de laquelle le ministre de l'intérieur prendre une décision d'imputabilité au service d'une pathologie implique de recueillir l'avis du seul service de santé des armées, il appartient au juge, dans l'exercice de sa mission, d'examiner les éléments qui lui sont soumis, qu'ils émanent du service de santé des armées ou des services civils. En conséquence, et alors en outre que le service de santé des armées n'émet qu'un avis qui ne lie pas le ministre, c'est à bon droit que les juges ont tenu compte, pour exercer leur office, de tous les éléments médicaux qui leur étaient soumis sans restreindre leur examen aux certificats du médecin des armées ou de l'inspecteur du service de santé des armées."
Ainsi, la Cour Administrative d'Appel de BORDEAUX réaffirme la nature et la valeur des certificats médicaux établis par le service de santé des armées (SSA).
Il faut ainsi retenir que, si la procédure impose de demander l'avis du SSA en la matière, cet avis ne lie pas le Ministre des Armées ou de l'Intérieur.
S'agissant du juge administratif, il peut de son côté prendre en considération l'ensemble des éléments qui lui sont soumis pour forger sa conviction et apprécier la situation qui lui est exposée.
MDMH AVOCATS recommande donc à ses lecteurs et visiteurs, souffrant d'une pathologie dont ils craignent que l'administration refuse d'en reconnaitre le lien au service s'agissant notamment d'affectations psychiques telles que dépression, syndrome anxio-dépressif, burn out .. de consulter plusieurs spécialistes (psychologues, psychiatres ...) et de documenter leurs dossiers de divers certificats, attestations, relevés de consultation afin de pouvoir le cas échéant et au moment venu s'il y a lieu produire ces éléments au juge.
Un examen critique, précis et circonstancié de la situation de chaque agent
Dans son arrêt du 28 octobre 2021, la Cour Administratif d'Appel de BORDEAUX, après avoir une nouvelle fois rappelé la règle de principe et la présomption selon lesquelles :
"En second lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire civil ou militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service"
se libre à un examen critique, précis et circonstancié de la situation exposée par la Maréchal des Logis chef et relève alors :
"Il ressort des pièces du dossier qu'alors que .......... bénéficiait jusqu'en 2013 d'évaluations élogieuses et d'appréciations trés favorables sur ses capacités intellectuelles et relationnelles, sur son implication dans ses missions et sur sa rigueur et sa loyauté, son environnement de travail s'est subitement dégradé lors de son affectation au peloton motorisé de Villefrance de Lauragais (31290) en 2014 ainsi que cela ressort du compte rendu qu'elle a adressé à son supérieur hiérarchique le 3 octobre 2014. Les relations conflictuelles avec ses supérieurs et collègues ont culminé en 2016 et l'ont amené à dénoncer des faits de harcèlement qui ont conduit à l'ouverture d'une enquête administrative. Si les résultats de l'enquête administrative ne sont pas favorables à l'intéressée, cependant il ressort de la lecture de ce rapport produit par le ministre de l'intérieur, au demeurant largement tronqué et en permettant pas à .. d'en contester la teneur, qu'il est rédigé uniquement à charge, en des termes péremptoires sans que les allégations relatives à sa personnalité ne soient étayées par des éléments ou faits objectifs. Il ressort également des pièces du dossier, et il n'est pas sérieusement contesté, que .... a été entendue par ses collègues pendant plus de trois heures dans le cadre de l'examen d'un incident lors d'une interpellation à laquelle elle a assisté et qu'elle a, à cette occasion, subi de fortes pressions pour l'amener à changer son témoignage. Aussi, dans un contexte de travail pathogène, et quant bien même l'intéressée, qui n'avait pas d'antécédents médicaux ou professionnels notables, aurait présenté une fragilité qui aurait favorisé le développement de sa pathologie anxiodépressive, celle-ci doit être regardée comme étant en lien avec le service. La seule circonstance que les certificats médicaux versés au dossier ne se prononcent pas sur l'imputabilité au service de la pathologie de l'agent, ne suffit pas à démontrer que le trouble anxieux réactionnel qu'elle a présenté ne trouve pas son origine dans le service. Au demeurant par une décision du 16 octobre 2020 la commission de recours de l'invalidité a reconnu l'imputabilité au service du syndrome anxiodépressif de . pour l'attribution d'une pension militaire d'invalidité."
Ainsi, la juridiction administrative d'appel, confirmant la décision de première instance, et qui ne s'est pas laissée bernée par le rapport de l'enquête de commandement dont elle relève qu'il est "uniquement à charge, en des termes péremptoires sans que les allégations relatives à la personnalité ne soient étayées par des éléments ou faits objectifs", [critique qui pourrait être généralisée à de nombreux rapports établis en la matière] relève sans ambiguïté que la maréchal des logis chef a évolué dans un contexte de travail pathogène étant à l'origine de la pathologie dont elle a souffert et souffre et qu'aucune circonstance particulière ne peut venir détacher cette origine au service.
La juridiction administrative d'appel relève également que la requérante s'est vue, après le recours qu'elle avait été contrainte de former devant la Commission de recours de l'invalidité une pension militaire d'invalidité.
MDMH AVOCATS se satisfait de cette nouvelle décision, parfaitement conforme aux droits et intérêts de la Maréchal des logis chef ... qui a été contrainte de porter plusieurs contentieux afin de faire reconnaitre la situation professionnelle pathogène qu'elle a du subir.
Avocat associé et fondateur - Spécialisé en droit pénal avec la qualification spécifique droit pénal militaire
Dotée d'une expertise reconnue en droit des militaires, des personnels de défense et de sécurité intérieure, et exerçant depuis plus de 20 ans, Elodie MAUMONT a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux de carrière des militaires et des gendarmes (notation, mutation, avancement, habilitation secret défense ...) le contentieux disciplinaire (sanction, conseil d’enquête) et le contentieux pénal des militaires et anciens militaires (désertion, harcèlement, violences, outrages, voies de fait, compromission, blessures et homicides involontaires ...). Elle intervient conjointement avec Aïda MOUMNI dans le cadre du contentieux médico administratif des militaires (jurisprudences BRUGNOT et autres) en lien avec les problématiques de souffrance au travail, harcèlement, discriminations…
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