L'activité militaire est, par elle-même, dangereuse et les accidents ne sont malheureusement pas rares. Lorsqu'un tel accident se produit, peut se poser la question de la responsabilité pénale du militaire mis en cause qu'il soit en charge ou non de l'exercice concerné ou qu'il ait commis un acte qu'on vient lui reprocher. Focus sur l'arrêt de relaxe du 18 novembre 2021 rendu par la Cour d'Appel de METZ
Mi-juillet 2018, Monsieur X. déposait plainte contre la Sergent-Chef A..
Il expliquait, selon les termes repris de l'arrêt d'appel, qu'au cours d'une préparation militaire supérieure, il avait été victime d'un accident le soir du 14 juillet, à l'issue d'une activité de détente autour du feu lui occasionnant une inflammation du conduit auditif.
Il indiquait qu'il avait entendu un élève annoncer "grenade", "qu'il avait couru sur une dizaine de mètres pour se mettre en position de protection instantanée à savoir s'allonger face au lanceur et en se protégeant la tête à l'aide de ses bras jusque à côté d'une grenade en plâtre qui explosait juste à côté de lui."
Selon lui, la responsabilité pénale de la Sergent-chef A qui avait lancé la grenade en plâtre devait être retenue.
La Sergent-chef A, mise en cause et entendue, expliquait pour sa part, que, par cet exercice, elle avait voulu mettre en pratique les enseignements pédagogiques délivrés aux participants de la formation et tester ainsi la position de sécurité apprise lors du stage.
Une enquête préliminaire sous la direction du parquet militaire du Tribunal de METZ était ouverte.
La Sergent-chef A, assistée de MDMH AVOCATS, était, en suivant, poursuivie devant la juridiction spécialisée en affaires pénales militaires de METZ et condamnée en 1ère instance du chef de violation de consigne militaire et mise en danger délibérée.
Contestant la mise en cause de sa responsabilité pénale et le jugement de condamnation, la Sergent-chef A a en interjeté appel, appel suivi d'un appel incident du parquet.
C'est dans ces circonstances que l'affaire en appel était appelée à l'audience du 30 septembre 2021 pour plaider devant la Cour d'Appel de METZ.
La Sergent-chef A était évidemment présente et réexpliquait à la juridiction de jugement que, si elle regrettait évidemment l'accident et les dommages subis par Monsieur X., en revanche elle avait agi selon ce qui lui paraissait devoir être, sans avoir enfreint les règles dont elle avait connaissance et dans un but pédagogique.
Était ainsi discuté le délit de violation de consigne.
En effet, il convient de rappeler que l'article L 324-1 alinéa 1 du Code de justice militaire dispose :
"Le fait pour tout militaire de violer une consigne générale donnée à la troupe ou une consigne qu'il a personnellement reçu mission de faire exécuter ou de forcer une consigne donnée à un autre militaire est puni d'un emprisonnement de deux ans".
Suivant une question prioritaire de constitutionnalité, déposée en son temps par MDMH AVOCATS, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser dans sa décision n° 19-90.014 du 18 juin 2019 :
"(...) le législateur a entendu sanctionner le fait de violer une consigne générale ou particulière, émanant de l'autorité hiérarchique compétente et relevant de l'accomplissement des activités militaires ; qu'il relève de l'office du juge pénal, en cas de poursuite, à la fois de caractériser la consigne dont la violation est présumée, de vérifier son champ d'application et de s'assurer que le prévenu en avait connaissance ; que si la loi englobe des situations d'une grande diversité, elle ne méconnait ni le principe de légalité, dès lors qu'elle est rédigée en termes suffisamment clairs et précis pour éviter l'arbitraire, ni le principe d'égalité, tous les militaires étant soumis au pouvoir hiérarchique".
Or, précisément et dans le cas d'espèce, ainsi que l'avait soulevé, régularisé par écritures déposées, soutenu et plaidé MDMH AVOCATS, la Cour d'appel de METZ a infirmé le jugement de première instance et expressément retenu :
"La caractérisation de la violation d'une consigne militaire suppose deux éléments : l'existence d'une consigne et la vérification de son champ d'application et la connaissance de la consigne par le prévenu.
Il appartient au juge pénal, en cas de poursuite, de caractériser la consigne dont la violation est présumée, de vérifier son champ d'application et de s'assurer que le prévenu en avait connaissance.
En l'espèce, il sera relevé que seule la motivation du tribunal correctionnel fait référence à la Publication Inter-Armées 207 (PIA 207) et au Texte Toutes Armées 207. Ces éléments n'apparaissent nullement dans le dossier pénal. Il en est de même d'une consigne particulière orale donnée à Madame A dont il est établi qu'elle occupe au sein de l'armée un emploi administratif et non opérationnel, et qu'elle a été désignée pour encadre cette préparation militaire supérieure qu'en raison de ses compétences en matière de secourisme.
La consigne susceptible d'avoir été violée en toute connaissance par Madame A n'est pas caractérisée."
Ce faisant la Sergent-chef A était renvoyée des fins de la poursuite et relaxé pour l'infraction poursuivie.
La Sergent-chef A était également poursuivie sur le fondement de l'article 223-1 du Code pénal qui énonce :
"Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende."
De ce chef, la Sergent-chef A, soutenait, par son conseil, en premier lieu que les textes qui lui étaient opposés de ce chef, à savoir la Publication inter armées 207 PIA 207 et du Texte Toutes Armes 207 (TTA 207) n'avaient pas de valeur réglementaire au sens constitutionnel du terme.
En second lieu, la Sergent-chef A soutenait également qu'aucune faute caractérisée, au sens de la loi pénale et de la jurisprudence rendue en la matière, ne pouvait lui être reprochée.
MDMH AVOCATS relevait également qu'à supposer que la Sergent-chef A ait pu commettre une erreur de discernement, une simple erreur de cette nature ne pouvait être constitutive d'une faute pénale s'il n'était pas établi que la prévenue ait voulu faire courir à autrui un risque d'une particulière gravité.
Suivant l'argumentation développée par MDMH AVOCATS, la juridiction d'appel retient de ce chef :
"L'obligation litigieuse doit être légale ou règlementaire au sens constitutionnel ce qui n'est le cas ni de la Publication Inter Armées 207 (PIA 207) ni du Texte toutes armes 207 qui ont tous deux une valeur infra réglementaire.
Au surplus, comme justement relevé par le conseil de Mme A, une simple erreur de discernement, comme en l'espèce, ne peut pas constituer une faute pénale".
Ce faisant la Sergent-chef A était également relaxée de ce chef.
MDMH AVOCATS se satisfait de cette décision de justice qui applique non seulement les principes dégagés par la Chambre criminelle de la Cour de cassation s'agissant du délit de violation de consigne et vient relaxer le prévenu de ce chef, mais rappelle également qu'un accident n'est pas forcément générateur de responsabilité pénale pour la personne mise en cause.
MDMH AVOCATS se satisfait également de cette décision qui, en tout état de cause, n'apparait pas préjudiciable à la victime de l'accident, qui peut bénéficier du régime de la prise en charge de son invalidité éventuelle au titre des dispositions relatives aux pensions militaires d'invalidité.
MDMH AVOCATS peut vous conseiller, vous assister et vous représenter le cas échéant en justice si vous êtes mis en cause et poursuivi devant les juridictions spécialisées en affaires pénales militaires. N’hésitez pas à nous contacter.
© MDMH – Publié le 17 décembre 2021
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