Les militaires ayant subi un accident de service ou une blessure peuvent se voir opposer un rejet de leur demande de reconnaissance d'un accident ou d'une maladie en lien avec le service ou une imputabilité, en raison d'un état antérieur latent ou documenté.
Un refus de prise en charge au motif que l'accident ou maladie a révélé un état de santé préexistant avant la survenance de l'accident ou encore que l'état antérieur était connu de sorte que l'accident ou la maladie ne serait pas du fait du service.
Se pose ainsi la question de comprendre les contours de la notion d'état antérieur et ses implications possibles dans le cadre de la reconnaissance d'une blessure ou maladie.
L’état antérieur est une notion médicale plus particulièrement utilisée dans le cadre des expertises médicales en vue de déterminer les causes de responsabilités dans la survenance du dommage.
L'état antérieur se définit comme un état de santé manifestant des troubles ou affections spécifiques et qui existaient avant la survenance de l'accident ou la maladie reçue en service.
Un état latent, se définit comme une prédisposition pathologique asymptomatique, sans gêne pou r le militaire et parfois même sans qu'il en ait connaissance avant la survenance du dommage en lien avec le service.
Il arrive toutefois que l'administration militaire se serve de la révélation de cet état latent préexistant à l'accident pour écarter le lien au service ou l'imputabilité de l'infirmité pour laquelle le militaire sollicite la reconnaissance et la réparation.
Toutefois, une telle analyse est erronée et peut être contestée dès lors que les juridictions administratives rappellent régulièrement qu'en raison du principe de réparation intégrale des blessures reçues en service, l'ensemble des conséquences révélées en raison d'un accident survenu en service doit être regardé comme étant exclusivement imputable au service.
Dans une affaire défendue par MDMH Avocats, le tribunal administratif de Châlons en champagne avait fait application de ce principe pour un ancien militaire qui se voyait refuser la prise en charge de ses soins au motif qu'il était atteint d'une pathologie antérieurement à son accident de service.
A cet effet, le tribunal a jugé que :
" (...) Ainsi, une affection contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.
M. X était apte au service avant l’accident survenu le 8 septembre 2005 et l’administration ne contredit pas l’allégation du requérant selon laquelle cet accident a déclenché son affection qui n’était que latente auparavant. D’autre part, alors même que le requérant a levé le secret médical, aucune des pièces dont la communication a été demandée à l’administration par le tribunal afin de contrôler les motifs de la décision attaquée et la portée des éléments médicaux sur lesquelles elle se fonde, relatifs à l’imputabilité au service des soins dont M.X demande le remboursement, n’ont été produites par la ministre des armées.
Il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à demander l’annulation de la décision du 14 octobre 2019 (...)"
Ainsi, l'administration militaire ne peut écarter sa responsabilité du seul fait qu'un état pathologique existait avant la blessure sauf à justifier d'une cause spécifique pouvant justifier l'exclusion de sa responsabilité.
S'agissant de l'état antérieur "documenté", il peut s'agir de blessures ou maladie anciennes déclarées et connues du service de santé des armées pour lequel le militaire est d'ores et déjà traité ou non.
Dans le cas où l'état antérieur est dû à un accident ou une maladie d'ores et déjà déclarée imputable au service, il n'y a, à priori, pas de difficulté quant à la prise en compte des séquelles liées au nouvel accident ou maladie.
La difficulté survient le plus souvent en raison d'un état antérieur connu du service de santé des armées mais non lié au service.
En effet, la difficulté dans ce cas est de connaître l'étendue du dommage dans le cas où l'état de santé du militaire était d'ores et déjà altéré.
Si l'exclusion de l'état pathologique non lié au service peut se comprendre, l'aggravation liée au service ne saurait être exclue par principe.
La Cour administrative d'appel de Bordeaux l'a jugé récemment dans un arrêt rendu le 17 décembre 2021 et a jugé que :
"Lorsque l’état d’un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l’existence d’une rechute ou d’une aggravation de sa pathologie, mais à l’existence de troubles présentant un lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec l’accident de service. En outre, l’existence d’un état antérieur, fût-il évolutif, ne permet d’écarter l’imputabilité au service de l’état d’un agent que lorsqu’il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l’incapacité professionnelle de l’intéressé."
Ainsi le même raisonnement que l'état antérieur latent est adopté dans le cas d'un état antérieur connu et documenté.
Dans ces conditions, les décisions du ministre des armées rejetant la reconnaissance d'un lien au service d'un congé de longue maladie (CLM) ou de longue durée pour maladie (CLDM) ou encore d'une pension militaire d'invalidité (PMI) peuvent être remises en cause lorsque ce rejet n'est pas fondé sur la démonstration que l'état pathologique du militaire est le seul responsable de l'aggravation en cause.
MDMH Avocats traite régulièrement des difficultés liées à la reconnaissance d'un accident survenu en service ou d'une maladie contractée en service de même que les conséquences liées à ce défaut de reconnaissance. N'hésitez pas à nous contacter.
© MDMH – Publié le 19 mai 2022