En matière de sanctions disciplinaires, les fautes doivent être matériellement établies et prouvées. A défaut et suivant, si un seul fait reproché est considéré comme fautif, la proportionnalité de la sanction doit être analysée et la sanction annulée si ce n'est pas le cas.
C'est précisément le cas défendu par MDMH AVOCATS qui vient d'être jugé par le Tribunal administratif de TOULOUSE et a donné lieu à un jugement du 25 janvier 2023 (2100885). Cas d'école.
Rappelant sa motivation de principe, le tribunal administratif de TOULOUSE rappelle d'abord que :
"Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et, dans l’affirmative, s’ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et, enfin, si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes."
Puis, s'attelant à l'analyse précise et circonstanciée des faits de la cause, le tribunal reprend chacun des faits reprochés pour retenir que la plupart des reproches formulés à l'encontre de l'Adjudant-chef défendu par MDMH AVOCATS n'étaient pas établis et/ou ne constituaient pas des fautes disciplinaires.
Ainsi, la juridiction toulousaine retient :
"(...) En premier lieu, la décision en litige est motivée, d’abord, par les défaillances reprochées à M..... dans l’exercice de ses fonctions de commandement. Toutefois, il ne ressort des pièces du dossier ni que l’intéressé ne relèverait pas correctement les méls de la boîte organique, dont il rappelle qu’elle est au demeurant accessible à tous les militaires de la brigade, ni qu’il aurait commis des erreurs dans des prévisions de service, ni qu’il n’aurait pas enregistré l’ensemble du personnel de réserve affecté au sein de la communauté de brigades en juin et juillet 2020, ce qu’il conteste en soutenant que c’est le major L. qui aurait sollicité ces renforts et omis de lui transmettre un mél à ce sujet, ni l’attribution abusive de 11 heures dites de repos physiologique compensateur (RPC) en avril 2020, ni son absence de visite à la brigade de ...... en dépit de directives de mars 2020, ni le défaut de communication des souhaits de ses subordonnés d’établir une fiche de voeux ou de s’inscrire à une permutation, non circonstancié et contesté par le requérant qui soutient que c’est le major L. qui n’aurait pas donné suite à cette demande, ni enfin les remontrances écrites à l’égard de l’une de ses subordonnées, dans un mél en date du 4 septembre 2019 non nominatif. Dès lors, ces faits ne peuvent être regardés comme établis. En revanche, le requérant admet avoir adressé des remontrances verbales à l’égard de la maréchale des logis D., en contestant seulement s’être emporté à cette occasion.
Ensuite, la décision attaquée est motivée par les défaillances reprochées à M. .......... sur le volet de sa mission de police judiciaire. Si plusieurs manquements lui sont imputés dans une procédure de vol, il ressort cependant des pièces du dossier que l’absence de constatation sur les lieux du délit ne saurait lui être imputée, alors que la procédure était confiée à d’autres militaires, pas plus que le fait que des pièces auraient été rédigées avant le procès-verbal de notification des droits de la personne gardée à vue le 9 décembre 2019, ce qui n’est pas établi, ou le défaut de diffusion d’informations relatives à une enquête, dès lors que le requérant soutient, sans que cela ne soit contesté, que les échanges de sms qu’il verse au dossier démontrent qu’il avait bien transmis les informations nécessaires. Dès lors, ces faits ne peuvent davantage être regardés comme établis. En revanche, il ressort des pièces du dossier que la procédure judiciaire pour vol, ouverte le 28 décembre 2019, était bien initialement confiée à ........;.
Enfin, la décision en litige est motivée par le manque de loyauté de M. ......, qui n’adhérerait plus aux directives de sa hiérarchie depuis le 16 janvier 2019. A ce titre, il est constant, d’une part, que M. ... a adressé un courrier au commandant de compagnie, le 15 juin 2020, pour proposer des jours d’ouverture de la brigade de .......... alors que son commandant de communauté de brigades était en permission et qu’il souhaitait exprimer son avis sur ce point et, d’autre part, qu’il a reçu un mél du major L. contenant des consignes relatives à des procédures judiciaires à clôturer le 5 juin 2020 à 18h15, qu’il a répondu à ce mél à 19h17, puis qu’il l’a transféré au commandant de compagnie à 19h19 en demandant « Qui a autorité, le major L. ou le procureur ? » Ces derniers faits doivent ainsi être regardés comme établis."
S'attachant en suivant à l'analyse des seuls faits matériellement établis et visés supra, le tribunal administratif de TOULOUSE poursuit en indiquant :
"En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 4122-1 du code de la défense : « Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l'exécution des missions qui leur sont confiées ». Aux termes de l’article L. 4111-1 du même code : « (…) L’état militaire exige en toute circonstance (…) discipline, disponibilité, loyalisme e neutralité (…) ».
En l’espèce, d’abord, si les remontrances verbales adressées à l’encontre de la maréchale des logis D. sont établies, ainsi qu’il a été dit au point 3, toutefois le requérant conteste s’être emporté à cette occasion. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier, a fortiori en l’absence du témoignage de cette dernière, que ces faits seraient constitutifs d’une faute. Ensuite, si une procédure judiciaire pour vol, ouverte le 28 décembre 2019, a été confiée à M. ..............., il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que le retard pris dans cette procédure serait constitutif d’une faute de ce dernier. Enfin, s’agissant du courrier adressé au commandant de compagnie, le 15 juin 2020, pour proposer des jours d’ouverture de la brigade de ................, M. .......fait valoir, sans être contesté, non seulement que le commandant de compagnie lui avait demandé de transmettre au maire de ...............; des propositions d’horaire d’ouverture, mais aussi que la proposition contenue dans ce mél n’avait pas un caractère définitif, de sorte que le major L. était toujours en mesure de donner son avis sur ce sujet. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits seraient constitutifs d’une faute.
En revanche, s’agissant du mél transféré notamment à son commandant de compagnie le 5 juin 2020, si M. ............ allègue qu’il avait pour objet d’éclaircir une contradiction entre les directives du procureur de la République et celle du commandant de communauté de brigades et soutient, sans que cela ne soit contesté, qu’il a ensuite suivi les directives de ce dernier, le simple fait de transférer ce mél au commandant de compagnie en remettant en cause les directives données par le commandant de communauté de brigade, sans avoir attendu le retour de ce dernier, doit être regardé comme une méconnaissance de l’exigence de loyalisme prévue par l’article L. 4111-1 du code de la défense et, par conséquent, constitutif d’une faute."
Suivant sa méthodologie et grille d'analyse, le tribunal administratif de TOULOUSE s'est ensuite attaché à analyser la proportionnalité de la sanction infligée.
Ce faisant la juridiction toulousaine retient :
"En troisième lieu, aux termes de l’article L. 4137-2 du code de la défense : « Les
sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les
sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre (…) ».
9. En l’espèce, il est constant que M. .............; avait, au cours de sa carrière, fait preuve de loyauté envers sa hiérarchie, comme en atteste son dossier, en particulier sa notation pour la
période allant du 29 janvier 2019 au 4 février 2020. Dans ces circonstances, et au regard du seul manquement fautif isolé, non réitéré et d’une gravité relative, qui peut lui être reproché, M. ................; est fondé à soutenir que la sanction qui lui a été infligée de 15 jours d’arrêts assortis d’une dispense d’exécution, c’est-à-dire une sanction élevée parmi les sanctions du premier groupe et qui demeure inscrite à son dossier administratif pendant une durée de cinq ans, est disproportionnée.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens
de la requête, que M. ...... est fondé à demander l’annulation de la sanction qu’il attaque."
Poursuivant les effets de l'annulation et à la demande de MDMH AVOCATS, la juridiction relève :
"Sur les conclusions à fin d’injonction :
11. En raison du motif qui la fonde, l’annulation de la décision attaquée implique
nécessairement, en l’absence de changements de circonstances de droit ou de fait, d’enjoindre au
ministre des armées, d’une part, de rétablir M. ....., rétroactivement si nécessaire, dans
l’ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il aurait été privé par les
effets de cette décision, et, d’autre part, de procéder à la suppression dans son dossier de toute
mention de la décision de sanction du 17 décembre 2020, dans un délai de deux mois suivant la
notification du présent jugement, sans qu’il soit besoin d’assortir ces obligations d’une astreinte."
MDMH AVOCATS salue cette décision particulièrement motivée et didactique qui vient reconnaitre l'illégalité de la sanction infligée à l'Adjudant chef que nous défendions et rétablit son honneur.
Pour aller plus loin sur le sujet, consultez notre blog et notamment :
° Sanctions disciplinaires : quand, comment et devis qui contester ? cliquer ici
° Annulation des sanctions disciplinaires par les juridictions administratives et effacement des dossiers : cliquer ici
° Violation du confinement et sanction disciplinaire : 4 bons conseils en matière disciplinaire : cliquer ici
° Sanction disciplinaire et contentieux militaire : les droits des militaires doivent être respecter : cliquer ici
© MDMH – Publié le 28 janvier 2023