"Indu de solde", "trop perçu détecté sur la solde", les militaires connaissent bien ces expressions depuis que le logiciel LOUVOIS a provoqué de nombreux dysfonctionnements pour le paiement des soldes des militaires.
Ce scandale a généré un contentieux de masse et donné lieu à de nombreuses décisions de justice qui ont précisé le régime juridique des indus de solde.
Depuis le 1er janvier 2012, le recouvrement des trop perçus de solde doit intervenir dans les deux ans suivant le versement ainsi qu'il est prévu à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
Dans ce cadre, le conseil d'Etat avait jugé dans un avis rendu le 31 mars 2017 que toutes les sommes versées au militaires (avances de solde ou rémunération et ses accessoires) sont concernées par cette prescription de deux ans.
De même, le conseil d'Etat a rappelé que pour interrompre ce délai de deux ans l'administration doit notifier ce trop versé au militaire et rapporter la preuve qu'il en a été informé.
Ainsi, un simple courrier adressé au militaire concerné ne peut valoir notification sauf à ce que le ministère des armées puisse justifier qu'il a en a bien pris connaissance soit en l'adressant par lettre recommandée ou en lui faisant signer un récépissé de notification.
Depuis quelques temps, le CERHS de Nancy ou le CERH de Toulon mentionnent l'existence d'un trop versé sur le bulletin de solde du militaire en précisant qu'un trop versé a été détecté mentionnant la période concernée par l'indu de solde et le montant.
Pour autant, cette information portée sur le bulletin de solde est elle valable?
MDMH Avocats a défendu un militaire qui avait reçu un titre de perception et avons soutenu que le trop versé était prescrit dès lors qu'aucune notification n'avait eu lieu dans les deux ans.
Dans cette affaire, le titre de perception reçu par ce militaire intervenait plus de deux ans après les versements erronés.
Le conseil d'Etat a déjà jugé que pour qu'un titre de perception soit valable, le titre de perception doit comporter les éléments de calcul du trop versé ou faire mention de la lettre d'information du trop versé.
Ainsi, si la lettre mentionnée dans le titre de perception n'a pas été reçue par le militaire avant le délai de deux ans, le titre de perception intervenant plus de deux ans après sera lui-même illégal.
Le militaire que nous défendions n'avait pas eu connaissance de la lettre d'information d'indu de solde. Ainsi, le ministère des armées soutenait qu'il avait forcément eu connaissance du trop versé dès lors qu'il avait également été informé sur l'un de ses bulletins de solde avant le délai de deux ans.
MDMH Avocats soutenait que la mention d'un trop versé sur un bulletin de solde ne constituait pas une une information valable dès lors qu'il s'agissait uniquement d'une mention sans valeur juridique qui ne constitue pas l'existence d'un trop versé et encore moins une information quant à l'intention de recouvrement du trop versé.
De plus, il est impossible de connaitre la date à laquelle le militaire a pu prendre connaissance de son bulletin de solde transmis sur la plateforme Ensap dès lors aucun accusé de réception ou de lecture n'est prévu.
Le tribunal administratif de Lyon a retenu cette motivation dans un jugement rendue le 27 janvier 2023 et annulé le titre de perception et prononcé la décharge des sommes prescrite.
Il a jugé en effet que :
"(...) aux termes de l’article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « (…) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. (…) ».
Il résulte des dispositions précitées que l’État ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de
calcul sur lesquels il s’est fondé pour déterminer le montant de la créance (...)
Si la ministre des armées fait valoir que le délai de prescription aurait été interrompu tant par la lettre du xxx, par laquelle
l’établissement national de la solde avait informé le requérant de son intention de répéter les sommes qui lui avaient été indument versées, que par le bulletin de solde de l’intéressé du mois de xxx, dont le requérant aurait eu connaissance au plus tard au mois de juin 2020 par l’intermédiaire du logiciel « Source Solde », celui-ci soutient sans être contredit ne jamais avoir réceptionné cette lettre, et son bulletin de solde du mois de xxx ne peut être regardé, compte tenu de ses termes, comme l’informant d’une intention de répéter tout ou partie du trop versé en litige, l’administration n’établissant pas au surplus la date à laquelle il en aurait accusé réception par voie dématérialisée".
Par cette motivation, il est ainsi confirmé que l'administration militaire doit respecter le formalisme prévu par la loi en justifiant d'une part d'une information tendant à recouvrer le trop perçu de solde mais également d'en assurer sa notification au militaire c'est à dire qu'elle s'assure bien qu'il en a eu connaissance du trop perçu.
La mention d'un trop versé détecté sur un bulletin de solde ne peut se substituer à l'intention de recouvrer l'indu de solde de même que l'absence de remise effective dudit bulletin de solde ne peuvent avoir d'effet juridique.
Les militaires concernés par des procédures similaires peuvent ainsi contester les indus de solde qui leur sont réclamés.
MDMH Avocats peut vous conseiller et vous assister dans le cadre des problématiques rencontrées par les militaires liées à la réception d'un lettre de recouvrement d'un trop versé annonçant l'émission d'un titre de perception ou de prélèvement direct sur la solde.
N'hésitez pas à nous contacter.
© MDMH – Publié le 1er février 2023