Après l'arrêt rendu par le conseil d'Etat le 17 décembre 2021 sur le pourvoi formé par un militaire défendu par MDMH Avocats (voir notre article sur le sujet), la cour administrative d'appel de Bordeaux qui était chargée de rejuger cette affaire sur le fond a finalement également fait droit à sa demande d'indemnisations pour les souffrances endurées, le préjudices d'agrément et esthétique .
L'intérêt de cette affaire réside aussi dans le fait qu'il s'agissait de faire reconnaitre que les traumatismes sonores peuvent s'aggraver bien longtemps après et ce même en cas d'arrêt de l'exposition au bruit.
En effet, le ministère des armées soutient régulièrement dans le cas des demandes d'aggravation liées à un traumatisme sonore que la cessation de l'exposition au bruit fait cesser automatiquement le risque d'aggravation du traumatisme sonore pour en conclure que toute aggravation ne peut être liée qu'au vieillissement du militaire ou encore en raison "d'une maladie évoluant pour son propre compte".
Tout réside dans le fait que le régime juridique applicable à la pension militaire d'invalidité et celui de la jurisprudence Brugnot ne sont pas identiques.
En effet, la pension militaire d'invalidité peut être demandée à tout moment sans condition de délai alors que pour les préjudices complémentaires que l'on appelle communément par l'arrêt Brugnot, le régime juridique est celui qui s'applique à toutes les créances réclamées à l'Etat à savoir que le délai est ouvert durant 4 années à compter du 1er janvier de l'année qui suit le fait générateur de cette créance.
S'agissant d'un accident ou d'une maladie survenue en service, le délai pris en compte pour calculer le point de départ de ce délai est celui de la consolidation de l'état de santé c'est à dire, la date à laquelle l'état du militaire blessé ou malade est stabilisé.
L'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics prévoit expressément que :
« Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par, la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ».
Par exception, l'article 2 de la loi prévoit que cette prescription est interrompue par les évènement suivants :
"Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement.
Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ;
Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ;
Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné.
Dans le cas ou l'un de ces évènement se produit dans ce délai de quatre ans, un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption.
De plus, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée.
Le Conseil d'Etat avait reconnu dans son arrêt du 17 décembre 2021 qu'une demande formée en vue d'obtenir une pension militaire d'invalidité était liée au même fait générateur que celui qui justifiant une demande d'indemnisation au titre de "l'arrêt Brugnot" de sorte que les droits du militaire au titre de de cette indemnisation n'avaient pas pu s'éteindre du fait de ses procédures en vue de reconnaitre son traumatisme sonore mais surtout aussi son aggravation".
Dans l'affaire jugée par la cour administrative d'appel de Bordeaux le , cet ancien militaire a connu plusieurs épisodes d'aggravation de son traumatismes sonore qui fini par atteindre le taux de 100% reconnu par un tribunal des pensions militaires d'invalidité.
Son état continuait de s'aggraver même après avoir obtenu le taux de 100%.
Le ministère des armées soutenait toutefois que cela ne serait pas possible et que l'état de l'intéressé ne pouvait avoir été consolidé aussi tardivement.
La cour administrative d'appel jugé au contraire que :
"D’une part, il résulte de l’instruction, en particulier, du rapport d’expertise judiciaire du 22 avril 2011, que l’hypoacousie dont souffre M.X« continue à évoluer malgré la cessation de l’exposition ; les études récentes confirment que plusieurs phénomènes concourent à ces effets » et que cette aggravation « est en relation médicale directe et déterminante avec l’infirmité indemnisée au taux de 25% de l’hypoacousie bilatérale de perception ». En outre, le rapport d’expertise médicale non contradictoire réalisé par un médecin du ministère des armées le 15 mai 2017 indique qu’« il existe une véritable déchéance cochléaire qui se poursuit longtemps après le retrait du milieu bruyant. » Il résulte de ces éléments que l’aggravation sévère de l’hypoacousie de M. (...) n’est pas due au seul vieillissement de l’intéressé mais est directement. liée au traumatisme sonore subi au cours de ses années de service. Dans ces conditions, le ministre des armées n’est pas fondé à soutenir que l’état de santé de M. X doit être regardé comme consolidé au (...), date de fin d’exposition au bruit des réacteurs d’avions gros porteurs, et ne peut pas utilement se prévaloir, à cet égard, des mentions figurant au tableau des maladies professionnelles (...)
Enfin, eu égard à ce qui a été dit précédemment, et ainsi que le soutient l’appelant, c’est également à tort que le tribunal administratif a considéré que cette hypoacousie devait être regardée comme consolidée à compter du 29 mai 2009, date de la saisine du tribunal des pensions militaires alors, au demeurant, qu’il ressort de la décision susmentionnée du Conseil d’Etat du 17 décembre 2021 que cette saisine aurait eu pour effet d’interrompre une éventuelle prescription".
Ce militaire a pu obtenir la reconnaissance de ses préjudices complémentaires permettant ainsi une reconnaissance plus juste des conséquences de son accident survenu en service.
Cette solution s'applique aussi à toute infirmité reconnue imputable au service.
MDMH Avocats peut vous conseiller et/ou vous assister dans le cadre de vos problématiques de santé liées aux conséquence d'un accident d'une blessure reçue en service ou d'une maladie contractée du fait ou à l'occasion du service en vue d'obtenir l'ensemble de vos droits. N'hésitez pas à nous contacter.
© MDMH – Publié le 12 avril 2023