Les militaires blessés en service ou qui contractent une maladie du fait ou à l'occasion du service peuvent être placés en congé de longue maladie ou en congé de longue durée pour maladie s'ils ne présentent pas l'aptitude nécessaire pour exercer leurs fonctions.
Lorsque le militaire est placé dans cette position, l'administration doit également se prononcer sur l'existence d'un lien présumé ou non avec le service.
Un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 8 mars 2023 a rendu un arrêt très intéressant dans le cas d'un fonctionnaire territorial mais dont le raisonnement est transposable aux militaires.
Ainsi que le conseil d'Etat a eu l'occasion de le rappeler dans un arrêt rendu le 10 novembre 2021,
"Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service."
Par cette motivation, le Conseil d'Etat a rappelé que l'existence d'un lien direct entre l'affection et les faits survenus sur le temps et le lieu du service suffisent à caractériser l'imputabilité au service de l'affection en cause pour bénéficier des droits à congé de longue maladie ou de longue durée pour maladie en lien avec le service.
Dans le cadre de l'arrêt rendu le 8 mars 2023, l'affaire concernait une agente territoriale ayant subit un AVC en service qui avait été déclaré imputable au service.
Elle devait toutefois subir une rupture d'anévrisme quelques mois plus tard.
Elle adressait ainsi une demande de reconnaissance de l'imputabilité en service de ce second accident en tant qu'il était la conséquence du premier, celui-ci étant d'ores et déjà reconnu imputable au service.
Dans le cadre de cette demande, une expertise médicale avait été ordonnée par le maire de la commune qui concluait à l'existence de fortes probabilités d'un lien entre l'AVC et la survenance de la rupture d'anévrisme mais sans pouvoir rapporter un caractère certain entre les deux accidents.
Cette affaire était portée devant la juridiction administrative.
Tant le tribunal administratif que la cour administrative d'appel ont rejeté la demande de l'intéressée au motif que le rapport d'expertise se fondait uniquement sur des probabilités ne permettant pas "d'établir légalement l'existence d'un lien direct et certain entre l'accident de la circulation et l'accident vasculaire cérébral".
Ce raisonnement se fondait sur des jurisprudence anciennes du conseil d'Etat qui adoptait une interprétation restrictive de la notion d'imputabilité au service pour des accidents cardio-vasculaires et exigeait ainsi que soit établie l'existence d'un lien direct et certain pour que l'affection puisse être déclarée imputable.
Le conseil d'Etat abandonne ainsi cette interprétation stricte s'agissant de l'imputabilité au service des affections donnant lieu à un placement en congé de maladie et il juge que doit seulement être établie l'existence d'un lien direct sans avoir à être exclusif ou déterminant ni même certain dès lors que ce lien ne peut pas être totalement exclu.
Dans ce sens, le Conseil d'Etat reconnait la valeur des connaissance scientifiques qui, dès lors qu'elle n'excluent pas la possible d'un lien entre l'affection et les circonstances dans lesquelles elle est survenu doivent emporter la conviction.
Le conseil d'Etat a ainsi jugé que :
"Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport de l'expert désigné par la cour administrative d'appel et des autres avis médicaux, que Mme A..., qui n'avait pas d'antécédents neurologiques ou vasculaires, a développé, après l'accident de la circulation dont elle a été victime le 2 octobre 2012 et dont l'imputabilité au service a été reconnue, une hypertension artérielle, un syndrome de stress post-traumatique et des céphalées importantes et que le traumatisme crânien subi à l'occasion de cet accident, associé à l'élévation anormale de la tension artérielle, exposait l'intéressée à un risque élevé de rupture d'anévrisme dans les mois suivants. En rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident vasculaire cérébral survenu le 21 mars 2013 au motif que les conclusions du rapport de l'expert ne reposaient que sur des probabilités et que ni ce rapport ni les autres pièces médicales versées au dossier ne permettaient d'établir avec certitude un lien direct entre la rupture d'anévrisme et l'accident de service dont la requérante a été victime, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée".
Par conséquent, les juges administratifs sont désormais tenus dans le cadre de leur contrôle de la légalité d'une décision rejetant l'imputabilité au service de vérifier qu'un lien direct existe sans qu'il soit besoin d'être certain.
Cette position jurisprudentielle constitue un assouplissement des règles qui régissent la reconnaissance des affections survenues en service et plus particulièrement pour des accidents tels que des problématiques cardiaques qui peuvent difficilement avoir une cause unique et exclusive à un seul évènement.
Pour aller plus loin :
Voir notre article sur l'imputabilité au service cliquer ici
ou encore Congé de longue durée pour maladie des militaires (CLDM) : retrouvez notre fiche pratique en cliquant ici
© MDMH – Publié le 2 août 2023