Depuis quelques années le phénomène de départ massif des militaires couplé à des difficultés de recrutement s'impose comme une réalité concrète qui ne peut plus être niée.
La baisse des effectifs concernant les non officiers était une donnée déjà reconnue par le ministère des armées mais cette fois le rapport publié le 15 septembre 2023 par le haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) sur les officiers fait état d'une désaffection croissante des officiers qui quittent de plus en plus tôt l'Institution.
Des conditions de travail difficile et un manque de soutien matériel engendrent la remise en cause de l'engagement des officiers tandis que le ministère des armées mais aussi la Gendarmerie nationale doivent tenir des objectifs ambitieux fixés par la loi de programmation militaire 2024/2030.
Une réflexion intéressante sur l'adéquation du statut militaire avec l'évolution de la société et des attentes des militaires qui ne sont pas suffisamment entendues et des évolutions trop lentes face au défi du recrutement et de la fidélisation des militaires.
Le HCECM rappelle que les forces armées comptaient 40.000 officiers en 2021 correspondant à 13% de l'effectif total des armées avec une grande disparité dans le mode de recrutement.
En effet, les officiers sont majoritairement de carrière au sein de la Gendarmerie Nationale tandis que les autres forces armées et notamment l'Armée de l'air et l'Armée de terre comptent plus de 50% d'officiers recrutés sous contrat avec comme corollaire, une évolution aux grades supérieurs beaucoup plus limités et surtout des contrats arrivant à terme.
Le HCECM reconnait ainsi que le recrutement des officiers est "défi permanent" et identifie des "fragilités" liées :
Le HCECM propose ainsi d'améliorer les conditions de travail des militaires et valoriser leur condition matérielle en passant par une évolution indiciaire plus forte que celle appliquée actuellement tout en conservant "les fondement de l'état militaire" soit en d'autres termes l'obligation de servir en tout temps et en tout lieu et maintenir l'absence de règles quant au temps de travail ce qui nous semble assez incompatible avec l'idée même d'évolution de la condition militaire.
Le HCECM reconnait toutefois que les forces armées doivent tenir compte de façon accrue des évolutions de la société et d'anticiper ces évolutions "pouvant aller jusqu'à questionner les composantes de notre modèle d'armée".
Il formule ainsi 14 recommandations pour tenter d'enrayer ce phénomène de désaffection croissant des militaires à l'égard de
Le HCECM recommande ainsi d'améliorer les règles de gestion des ressources humaines en réalisant un véritable travail sur la lisibilité de la carrière des officiers et de tenir compte de leurs impératifs tant professionnels que familiaux.
Le rapport pointe d'ailleurs la nécessité de gérer de manière plus plus adaptée la question du célibat géographique qui représente souvent un frein à la poursuite d'une carrière au sein de l'Institution compte tenu des situations ou les conjoints de militaires travaillent toujours plus et ne peuvent se permettre une telle mobilité qui n'est pas compensée au demeurant.
Le rapport propose d'ailleurs de faciliter cette mobilité lorsqu'elle a lieu en prévoyant des mécanismes permettant aux militaires de disposer d'une priorité pour l'inscription de leurs enfants dans une école mais la question du logement n'est pas évoquée ...
Le rapport insiste également sur la nécessité de poursuivre l'amélioration des rémunérations des militaires et pour les officiers, de leur attribuer un positionnement indiciaire en rapport avec leurs sujétions spécifiques.
En effet le rapport pointe un effondrement des traitement indiciaires et cite comme exemple :
"Pour n’en citer qu’une illustration, le bas de la grille des officiers (sous-lieutenant) ne se situe plus, en 2023, qu’à 37 points d’indice au-dessus du bas de la grille des militaires du rang quand cet écart était de 64 points en 2011".
Ou encore, une disparité entre les traitements des officiers supérieurs avec les autres catégories équivalentes dans la fonction publique qui engendre à terme une perte réelle de rémunération et en suivant une pension de retraite moindre.
Une autre recommandation tient à la revalorisation des pensions de retraite en tenant compte de l'indemnité d'état militaire pour tenir compte de l'existence des sujétions militaires qui leur sont imposées durant leur carrière.
Le HCECM appelle aussi de ses vœux la mise en en place d'échanges entre les forces armées en compris la Gendarmerie Nationale pour mener une réflexion sur les évolutions du modèle des armées qui ne peut fonctionner correctement sans ses ressources humaines.
L'on pourrait résumer ce rapport comme étant le résultat d'une gestion de plus en plus inadaptée des personnels des forces armées durant de trop nombreuses années.
En effet, le modèle des armées pensé en 1995 qui se concentrait sur une plus grande flexibilité de la gestion des personnels en se focalisant presque uniquement sur les nécessités opérationnelles a trouvé ses limites d'autant plus que le monde comme la société ont bien changé depuis.
Ce rapport n'a aucune valeur contraignante mais à le mérite d'ouvrir le débat.
Consulter le 17ème rapport du HCECM publié le 15/09/2023 : HCECM - 17e rapport thématique - 2023
© MDMH – Publié le 20 septembre 2023