Durant sa carrière, le militaire peut être placé dans certaines positions administratives spéciales dites de non-activité (article L.4138-11 du code de la défense).
Deux positions en lien avec la parentalité du militaire nous intéressent tout particulièrement aujourd’hui :
Ces périodes sont assimilées à des services effectifs dans le corps. Le militaire conserve au titre de ces deux dispositions l'intégralité de ses droits à avancement dans la limite d'une durée de 5 ans pour l'ensemble de sa carrière, ainsi que l’intégralité de ses droits à pension dans la limite d’une durée de 3 ans par enfant (article. L.4138-17 du code de la défense)
Les droits à avancement conservés en application des trois articles précités s’entendent comme des droits à avancement d'échelon et de grade (article R.4138-65 du code de la défense).
Nonobstant ce cadre juridique, les dossiers des militaires enregistrés dans ces positions et proposables au grade supérieur peuvent être exclus lors des travaux d’avancement, à l’appui de considérations budgétaires et/ou des besoins RH exprimés pour assurer la pérennité du service.
Cependant au regard de la Loi, cette éviction apparaît illégale puisqu’une inscription au tableau d’avancement (TA) doit résulter exclusivement d’une appréciation des mérites et de la qualité des services rendus par le militaire.
La commission d’avancement chargée de l’élaboration du TA 2023 des sous-officiers de l’AAE s'est réunie du 14 au 18 novembre 2022 pour examiner les dossiers des sous-officiers proposables et susceptibles d’être inscrits pour un avancement en fonction des dispositions statutaires et de l’instruction n° 7000/ARM/DRH-AA/PGR/BGA du 19 mars 2021.
Parmi l’ensemble des sous-officiers statutairement proposables, les candidats à l’avancement répondant aux conditions particulières de temps de grade et de qualifications professionnelles telles que définies dans la circulaire n° 1700/ARM/DRH-AAE/SDGR/BGA du 16 mars 2022, on été étudiés prioritairement par la commission.
La sélection réalisée par la commission d’avancement arrête les choix par spécialisation, en considérant la mention d’appui émise par les notateurs au second degré, et en retenant les candidats en fonction de la qualité des dossiers pour l’ensemble des grades du personnel naviguant et non naviguant.
Le 05 décembre 2022, une décision est rendue par la DRH-AAE portant inscription au TA au titre de l'année 2023 de sous-officiers de l'armée de l'air et de l'espace.
Prenant connaissance que son nom n'y figure pas, un sous-officier en position de CCP décide de former un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission de recours des militaires (CRM).
Le RAPO est enregistré le 14 décembre 2022 par la CRM.
Pour rappel, tout recours contentieux introduit par un militaire contre un acte relatif à sa situation personnelle doit nécessairement être précédé d'un RAPO porter auprès de la CRM dans un délai de 2 mois à compter de la notification ou de la publication de la décision litigieuse (articles R.4125-1 et R.4125-2 du code de la défense).
À réception du recours par la CRM, un délai de 4 mois est imparti au ministre pour rendre sa décision. Le dossier est instruit durant cette période et donne lieu aux observations en réponse de la part de l'autorité qui a pris la décision contestée (autorité gestionnaire), auxquelles le requérant peut répondre (non obligatoire) dans un délai de 15 jours.
Par la suite, un avis de la CRM est rédigé et transmis au ministre qui doit rendre sa décision.
Il convient toutefois de préciser que les délais de traitement des dossiers par la CRM sont rallongés en raison d’une charge toujours plus importante. Il arrive donc fréquemment que le ministre des armées ou de l'intérieur, s'agissant du corps de la gendarmerie nationale, ne rende pas sa décision à l'issue ou dans le délai de 4 mois. Dans ce dernier cas, c'est une décision implicite de rejet qui sera généralement suivie d'une décision expresse.
Dans le dossier évoqué, le 02 février 2023, la division recours interventions de la DRH-AAE a transmis ses observations en réponse en soutenant notamment que :
1.... « l'intéressé satisfaisant aux prérequis statutaires, son dossier a bien été étudié à l'instar de celui de ses pairs comme en témoigne son inscription sur la liste des proposables, annexée au procès-verbal» de la commission d'avancement.
Ainsi il doit être compris que les dossiers des militaires en position de CP et de CCP au motif d’élever un enfant de moins de 12 ans et statutairement proposables, ont été étudiés pour le TA 2023.
2. ... « la note d'avancement est un paramètre important mais non exclusif », affirmant que ce « paramètre permet de déterminer l'ordre de présentation des dossiers à la commission qui, de manière discrétionnaire, applique des règles de gestion complémentaires, dont la position administrative ».
Ainsi il doit être compris que parmi d’autres « règles de gestion complémentaires» inexprimées officiellement dans le corpus juridique, la position administrative est donc une donnée appréciée défavorablement en commission.
3. enfin ... « c'est ainsi que ladite commission a estimé de manière souveraine que tous les sous-officiers en position de non-activité ne présentaient pas toutes les garanties pour une inscription au TA 2023 et qu'il convenait d'attendre la reprise de service pour l'envisager ».
Sur le premier fondement unique de la position administrative, l’ensemble des militaires en position de CP et de CCP au motif d’élever un enfant de moins de 12 ans et statutairement proposables, ont été écartés d’une inscription pour le TA 2023.
Avec ce constat et de manière concrète, un militaire voit son avancement retardé d’autant d’années passées dans la dite position.
Le 14 avril 2023 marque le délai passé de 4 mois notifiant la décision implicite de rejet du RAPO du requérant par la CRM, née du silence gardé par l’administration (article R.4125-1 du Code de la défense).
Aussi passé ce délai de 4 mois après l’enregistrement du RAPO, il n’y a pas lieu d’attendre une décision explicite de la CRM, la décision implicite de rejet peut être contestée devant le jugement administratif dans un délai de 2 mois à compter de sa naissance (articles R.421-1 à R.421-7 du code de justice administrative).
A ce stade, le requérant sollicite MDMH AVOCATS pour assurer la défense de ses droits et poursuivre le contentieux devant la juridiction administrative compétente (Tribunal Administratif d’Orléans).
Le 07 juin 2023, soit près de deux mois après la décision implicite de rejet, la CRM conclut dans sa décision expresse :
« Considérant que l'adjudant … réunissait, conformément aux dispositions précitées des articles L.4138-16 et L.4138-17 du Code de la défense, les conditions pour concourir à l'avancement au choix au grade d'adjudant-chef ; que la commission d'avancement, prévue par les dispositions de l'article L4136-3 du Code de la défense, devait donc procéder à un examen approfondi de sa valeur professionnelle ; que toutefois, il ressort de l'analyse des pièces du dossier, que la commission a estimé que les sous-officiers placés en congé pour convenances personnelles ne présentaient pas toutes les garanties pour une inscription au TA 2023 qui vise à fournir à l'armée de l'air et de l'espace une population disponible et employable à court terme ; qu'ainsi la candidature de l'adjudant … , placé en congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de douze ans depuis 2021, a été écarté et ce nonobstant ses qualités foncières ; que, ce faisant, la commission d'avancement a méconnu les dispositions précitées de l'article L.4136-3 ; que ce vice de procédure, qui constitue une garantie substantielle, ne saurait être purgé par la présente décision ; que, dans ces conditions, la commission d'avancement devra procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé au titre du TA pour l'année 2023 des sous-officiers de l'armée de l'air et de l'espace (active) ; qu'il y a donc lieu d'agrée le recours formé par l'adjudant … .
DÉCIDE : Le recours administratif préalable obligatoire formé par l'adjudant … est agréé. »
En exécution de la décision ministérielle susvisée et dans le prolongement d’une nouvelle commission d’avancement tenue afin de réexaminer la candidature du requérant, la DRH-AAE décide le 19 septembre 2023 « d’une inscription supplémentaire [au TA de l’année 2023] au profit de l’adjudant … », et a ajouté à ce tableau « parmi ses pairs de même grade et spécialité, dans l’ordre de l’ancienneté de grade, l’intéressé sera promu à compter du 1er septembre 2023 via la 3ème décision (à paraître) ».
Le 26 septembre 2023, la DRH-AAE procède à l’inscription du requérant au TA 2023, puis par décision du 9 octobre 2023, l’intéressé est nommé au grade d’adjudant-chef à compter du 1er septembre 2023.
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Comme chaque fin d'année, les publications des TA font leurs lots d'heureux / chanceux et de malheureux / malchanceux, entre ceux qui y sont inscrits et ceux qui n'y sont pas. Pour autant, tout n'est pas perdu pour les concourants non inscrits et il peut être approprié de soumettre au contrôle de légalité la non-inscription au TA s’ils répondent aux conditions particulières de temps de grade et de qualifications professionnelles.
Sans nul doute et encore aujourd'hui, l'inscription au TA manque de transparence et de lisibilité pour les militaires qui voient parfois / trop souvent des candidats moins méritants qu'eux être inscrits en leur lieu et place.
La contestation des TA permet à tout le moins au militaire de voir son administration se justifier, si ce n'est au stade du recours devant le CRM, à minima au stade de la juridiction administrative. Selon une jurisprudence maintenant constante, le juge administratif examine lors de son contrôle non pas seulement la valeur professionnelle de l’intéressé, mais aussi les mérites des autres candidats à l’avancement afin de déterminer si l’administration a commis une ou des erreurs d’appréciation. En règle générale, la comparaison des mérites s’analyse en confrontant les dossiers des trois derniers inscrits de la même spécialité.
MDMH AVOCATS est à vos côtés et peut vous assister, vous conseiller et le cas échéant vous représenter dans le cadre de ces contestations.
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