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Permissions des militaires : les congés de maladie permettent ils d'acquérir des jours de congé ?

Les militaires et les gendarmes ont droit à des congés que l'on appel permissions pour une durée de 45 jours par an. Les contours de ce droit sont assez imprécis compte tenu de l'intérêt du service et du principe de libre disposition des armées mais un arrêt intéressant rendu par la cour administrative d'appel de Nantes ouvre enfin le droit pour les militaires de conserver leur droit à congé malgré des congés de maladie et et d'en générer durant cette période de non activité.

Les permissions des militaires sont soumises à autorisation et révocables

Les permissions sont accordées aux militaires qui en font la demande, en fonction des besoins du service par leur hiérarchie.

Le terme employé de de "permission" au lieu de congé payé pose une différence juridique dès lors qu'il s'agit d'un droit révocable car tout miliaire peut se voir refuser sa demande de permission et surtout peut être rappelé à tout moment en cas de nécessité.

L. 4138-5 du Code de la défense : “Les permissions ainsi que les congés de fin de campagne d'une durée cumulée maximale de six mois sont attribués dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Le militaire en permission ou en congé de fin de campagne peut être rappelé immédiatement lorsque les circonstances l'exigent."

L'article R 4138-19 du code de la défense prévoit que :

"Sous réserve des dispositions des articles R. 4138-20 et R. 4138-21, le militaire a droit à quarante-cinq jours de permissions de longue durée par année civile entière de service et à quatre jours par mois pour les fractions d'année, les fractions de mois étant comptées pour un mois.
Les permissions de longue durée dues pour une année civile ne peuvent pas se reporter sur l'année civile suivante, à moins qu'elles n'aient pu être prises pour raisons de service."

En d'autres termes un militaire qui ne prend pas ses permissions ne sera pas compensé financièrement de sorte que la seule possibilité reste la prise de jours de permissions.

Ainsi un report peut être admis si ces permissions n'ont pu être prise en raison des nécessités de service.

La demande de permission doit faire l'objet d'une demande écrite et indiquer le motif , la durée souhaitée, ainsi que les dates de début et de fin de la permission.

La demande sera examinée et fera l'objet d'une réponse toutefois le délai de réponse n'est pas encadré. En cas d'impossibilité de prendre des jours de permissions en raison des contraintes du service, il est recommandé d'en demander le report pour éviter toute difficulté.

Permissions et congés de longue maladie et de longue durée pour maladie (CLM/CLDM)

Le code de la défense reste silencieux sur le sort des congés lorsque le militaire est en congé ordinaire ou durant des périodes de congé de maladie et de longue durée pour maladie et tend à signifier que cette position n'ouvre pas droit à l'acquisition de jours de permissions.

En pratique, les militaires placés dans cette position n'acquièrent pas de  congés et ne recommencent à bénéficier de jour de permissions que lors de la reprise de leur activité.

La cour administrative d'appel de Nantes a rendu un arrêt en date du 29 novembre 2022  qui vient contredire cette lecture des textes applicables en se fondant sur les dispositions de la directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003 relative au temps de travail.

Dans cette affaire un gendarme replacé en activité à l'issue de périodes de congés de longue durée pour maladie avait sollicité le report de ses jours de congés acquis notamment durant cette période de CLDM.

Le ministre de l'intérieur avait refusé de lui accordé des jours de permission pour cette période au motif que cette position relevait la position de non activité et par conséquent ne donnait pas droit à des jours de congé.

Le gendarme soutenait que la décision de rejet était illégale au sens des dispositions de la directive précitée tandis que le ministre de l'Intérieur opposait l'inapplicabilité de la directive aux militaires en raison du principe de libre disposition des armées constitutionnellement garanti.

C'est ainsi que la CAA de Nantes procède à une analyse des dispositions de la directive précitée et sa compatibilité avec les dispositions nationales conformément à ce qu'à jugé le conseil d'Etat dans son arrêt de principe en date du 17 décembre 2021.

Sur ce point la Cour relevait que l'application de la directive n) 2003/88 ne pouvait pas être exclue de fait mais qu'il convient de vérifier au par cas si le militaire concerné se trouvait dans l'un des cas d'exclusion en raison des contraintes opérationnelle ou si la demande porte atteinte au respect de la libre disposition des armées.

La cour conclut dans son arrêt qu'aucun principe n'était atteint et que l'acquisition de jours de congés en maladie devait s'appliquer

La Cour motive d'ailleurs son arrêt en ces termes :

"(...) Aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 à certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1-Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. " Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-173/99 du 26 juin 2001, ainsi que C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009, que ces dispositions font obstacle aux dispositions et pratiques nationales qui, d'une part, excluent la naissance d'un droit au congé annuel payé pendant la période de congé maladie et, d'autre part, prévoient l'extinction de ce droit à l'expiration de la période de référence lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de cette période.

D'abord, il ressort des pièces du dossier que M. B..., sous-officier de gendarmerie affecté au peloton motorisé de ..., placé en congé de maladie à compter du 28 février 2015, puis en congé de longue durée pour maladie à compter du 28 août suivant n'était pas ainsi au nombre des militaires qui seraient exclus du champ d'application de la directive précitée en raison de leurs activités militaires.

Ensuite, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. B... les jours de permissions sollicités, qui constituent des congés annuels, l'administration lui a indiqué que seule la position d'activité permet de générer des droits à permission et que la position de congé de longue durée pour maladie était entendue comme une position de non-activité, insusceptible de générer des droits à permission. Ainsi, la décision contestée, en refusant à M. B... la possibilité de constituer des droits à permission lors de son congé de longue durée pour maladie méconnaît les dispositions de l'article 7 précité de la directive du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, dont le délai de transposition en droit interne expirait le 23 mars 2005.

Enfin, il ressort des pièces du dossier, que dans les circonstances de la présente espèce, l'application du droit de l'Union ne conduit pas à ce que les limites fixées à la disponibilité des forces armées privent de garanties effectives l'exigence constitutionnelle de nécessaire libre disposition de la force armée, aux fins d'assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation (...)".

Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée en ce qu'elle exclut la période du 28 août 2015 au 28 août 2016 durant laquelle il était placé en congé maladie de longue durée pour le calcul de ses droits à permissions".

Cet arrêt constitue une véritable avancée pour les militaires qui se voient régulièrement refuser des permissions ou leur report en raison de prises de congés antérieurs et se voient privés du bénéfice des jours acquis durant leur périodes de congé maladie.

La position de la Cour semble transposer la position du conseil d'Etat qui s'est prononcée plusieurs fois en faveur du bénéfice effectif des salariés et agents publics à leur prise de congé (voir en ce sens l'avis du conseil d'Etat du 13 mars 2024 cliquer ici)

Par ailleurs, cet arrêt tend à harmoniser le droit applicable à l'acquisition de jours de congés avec les autres fonctions publiques et permet aussi d'introduire une véritable analyse par le juge administratif des restrictions apportées aux droits des militaires qui doivent être justifiées par des nécessités opérationnelles, de défense et de sécurité plutôt que de procéder à une interdiction absolue sans distinction.

Les militaires qui pourraient être concernés doivent former leur demande de congé ou de report de congé lors de leur reprise d'activité et de contester le refus qui pourrait leur être opposé dès lors que la position de non activité ne justifie pas en soi une cause de refus du bénéfice de permissions.

Il nous semble toutefois que le militaire radié des cadres ou des contrôles à l'issue de son CLM ou CLDM après épuisement de ses droits ne pourra pas bénéficier de ces dispositions dès lors que seul le report de congé est possible. Par ailleurs, le ministre des armées ou de l'intérieur pour les gendarmes, se trouve en situation de compétence liée lorsqu'il prononce la radiation des cadres en raison d'une inaptitude définitive.

Pour aller plus loin

Lire notre article sur l'arrêt de la CJUE relative à l'application de la directive 2003/88 aux militaires cliquer ici 

Lire l'arrêt du conseil d'Etat du 17/12/2021 n° 437125 sur l'application de la directive cliquer ici

Lire notre article sur les permissions cliquer ici 

© MDMH – Publié le 22/05/2024

 

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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