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Pension militaire d'invalidité et présomption d'imputabilité : un mécanisme au service des militaires blessés

Publié le 26/09/24

En cas d’accident ou de maladie survenus du fait ou à l’occasion du service, les militaires ont droit à la prise en charge des infirmités qui en résultent.

Ils bénéficient d’un régime juridique qui leur est propre : la pension militaire d'invalidité dont les conditions d'octroi sont définies par le Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de Guerre (CPMIVG).

En premier lieu, il faut prouver que l'accident ou la maladie est imputable au service c'est à dire causés directement et de façon certaine par le fait ou à l'occasion du service.

La preuve de l'imputabilité et la présomption d'imputabilité : définitions

Avant la promulgation de la loi de programmation militaire n° 2018-607 du 13 juillet 2018 qui a modifié le régime de la preuve des accidents et maladies survenus en service, le militaire devait apporter par lui-même la preuve de cette imputabilité.

Une exception était prévue pour les accidents et maladie survenus en mission (OPEX ou campagne de guerre) qui bénéficiaient d’un régime de présomption d’imputabilité  défini à l’article L3  du CPMIVG :

Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :

1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ;

2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ;

3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée.

En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif.

La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (…)

Depuis la loi de programmation militaire n° 2018-607 du 13 juillet 2018, le régime de la présomption d'imputabilité des accidents et maladies subis été élargi.

Ainsi, pour tous les accidents ou maladie survenus à compter du 13 juillet 2018 l'article L 121-2 du CPMIVG prévoit que :

« Est présumée imputable au service :

Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ;

2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ;

Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ;

4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national, avant le soixantième jour suivant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi du militaire dans ses foyers »

La présomption d'imputabilité s’applique désormais à tous les accidents ou maladies professionnelles contractés durant le temps de travail et non plus seulement aux opérations de guerre.

La présomption d’imputabilité ça change quoi ?

La présomption d’imputabilité est un mécanisme juridique qui permet de justifier d’un lien de causalité de plein droit lorsque certaines conditions sont réunies et impose à l'administration de prendre en charge l'infirmité à moins qu'elle ne rapporte la preuve qu'une cause étrangère au service est à l'origine de l'accident ou de la maladie.

S'agissant d'un accident, le Conseil d’État avait défini dans son arrêt de principe du 12 octobre 2009, les critères à retenir soit:

"Une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service"

Concrètement, le militaire qui se trouve dans cette situation ne pourra pas se voir refuser la prise en charge des conséquences de son accident ou de sa maladie à moins que l’administration puisse apporter la preuve contraire c'est à dire que son accident est dû à une cause étrangère au service ou encore en cas de faute de la victime.

Pour cela, il est important que le militaire rende compte de tout incident survenu durant son service en faisant établir un rapport circonstancié de la blessure mais la preuve peut être rapportée par tous moyens en l'absence de ce document (visite médicale au centre médical des armées ou infirmerie voire un médecin civil, des témoignages de personnes présentes sur les lieux etc...).

S’agissant des maladies contractées en services, il faut distinguer les maladies désignées par les tableaux de maladies professionnelles prévues au Code de la sécurité sociale et les maladies qui ne sont pas énumérées par ces tableaux.

Ainsi, une maladie désignée par les tableaux des maladies professionnelles bénéficiera d’une présomption d’imputabilité dans les conditions définies par ces tableaux. A défaut,  la preuve de l’imputabilité au service reviendra à la charge du militaire qui devra démontrer que son état de santé présente un lien direct et certain avec ses fonctions.

Le Conseil d’Etat juge qu’une maladie contractée par un agent doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause.

En cas de difficulté une expertise judiciaire peut permettre d'apporter ces éléments de preuve sur la base des connaissances scientifiques et un examen circonstancié de l'intéressé.

Ces définitions sont très importantes car elles offrent aux militaires la possibilité de contester les décisions de rejet de leur demande de pension militaire d’invalidité si elles ne respectent pas le régime de présomption qui leur est plus favorable.

Par un arrêt du 24 juillet  2024, le Conseil d’Etat a d'ailleurs rappelé que pour refuser le bénéfice de la présomption d’imputabilité à un militaire, l’administration doit rapporter une preuve certaine que la cause est étrangère au service et ne peut être tirée d’une hypothèse ou d’une vraisemblance :

« Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle".

Pour dénier à M. A... un droit à pension pour l'infirmité en cause, la cour administrative d'appel, après avoir retenu qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de la présomption légale d'imputabilité édictée à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et avoir relevé qu'il avait présenté des sérologies négatives aux hépatites virales avant son départ en mission et avait été testé positif au virus de l'hépatite C à son retour de mission au Cambodge en 1993, s'est fondée sur la circonstance que le comportement personnel de l'intéressé avant son incorporation et jusqu'à son départ en mission l'avait exposé à des risques de contamination par ce virus et que son profil cicatriciel correspondait à un profil d'usager de drogues statistiquement associé à de telles contaminations. En se fondant sur ces éléments pour juger que la preuve contraire était rapportée par l'administration, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, son arrêt doit être annulé.

Ainsi, l’administration militaire ne peut pas se contenter de faire des suppositions médicales pour refuser le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité. Elle doit apporter des preuves concrètes pour que son refus soit justifié.

Que faire en cas de rejet d'une demande de pension militaire d'invalidité?

En cas de rejet d’une demande de pension militaire d’invalidité, il est possible de former un recours préalable et obligatoire devant la Commission des recours de l’Invalidité (CRI) dans un délai de six mois à compter de la décision de rejet ou de la fiche descriptive des infirmités qui ne fait pas droit à l’ensemble des demandes.

Il est possible de demander à être auditionné par la CRI afin de faire valoir ses arguments devant elle plutôt qu’une instruction écrite.

En cas de rejet du recours formé, il sera possible de saisir le juge administratif dans un délai de deux mois à compter de la réception de la décision négative.

MDMH AVOCATS, cabinet pionnier en droit des militaires, est à vos côtés pour vous accompagner dans le cadre de vos démarches dans les cadres pensions militaires d'invalidité mais aussi les CLM et CLDM, et l'indemnisation "Brugnot".

Pour aller plus loin sur le sujet, retrouvez ci-dessous certains articles de notre blog sur les pensions militaires d'invalidités et leur articulation avec les CLM/CLDM et Brugnot  :

PMI , Brugnot : simplification des démarches pour les militaires : cliquer ici 

Indemnisation "Brugnot" : comment optimiser le montant de la réparation de ses préjudices? : cliquer ici

Blessure ou maladie en service : un état antérieur du militaire n'exclut pas nécessairement l'imputabilité au service: cliquer ici 

Les arrêts maladie et les congés pour maladie des militaires et des gendarmes : cliquer ici

© MDMH – Publié le 26 septembre 2024

Maître Aïda MOUMNI
Maître Aïda MOUMNI
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