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Update / Mise à jour : Le droit au silence en matière disciplinaire

Il y a, à peine, un petit mois, nous avons publié un article sur le droit au silence en matière disciplinaire.

Nous évoquions alors le cadre juridique du droit au silence et tout particulièrement en droit des militaires.

Nous précisions ainsi que le droit au silence a été intégré dans le corpus juridique du droit disciplinaire des militaires de tous corps et de tous grades.

S'agissant tout particulièrement du défaut de notification du droit au silence au cours de la procédure disciplinaire, nous évoquions à l'instar de la Cour d'administrative d'appel de Paris et son arrêt du 2 avril 2024 que la privation de la garantie fondamentale que constitue le droit de se taire rend la procédure disciplinaire irrégulière et doit être annulée.

L'inconstitutionnalité des dispositions relatives aux conseils de discipline des fonctionnaires

Depuis lors, le Conseil constitutionnel s'est de nouveau prononcé. par une décision QPC 2024-1105 du 4 octobre 2024, la juridiction des sages a rappelé :

"9. Aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.

10. Aux termes de l’article 34 de la Constitution, « La loi fixe les règles concernant … les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ».

11. Les articles 19 de la loi du 13 juillet 1983 et L. 532-4 du code général de la fonction publique sont relatifs aux garanties dont bénéficie le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée. Ils prévoient notamment que ce dernier a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel.

12. En application des dispositions contestées, l’administration est tenue de l’informer de ce droit. En revanche, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoient que le fonctionnaire poursuivi disciplinairement est informé de son droit de se taire.

13. Il résulte des articles 19 de la loi du 13 juillet 1983 et L. 532-5 du code général de la fonction publique que le fonctionnaire poursuivi ne peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe qu’après consultation d’un conseil de discipline devant lequel il est convoqué. Lorsqu’il comparaît devant cette instance, le fonctionnaire peut être amené, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître les manquements pour lesquels il est poursuivi disciplinairement.

14. Or, les déclarations ou les réponses du fonctionnaire devant cette instance sont susceptibles d’être portées à la connaissance de l’autorité investie du pouvoir de sanction.

15. Dès lors, en ne prévoyant pas que le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution."

La violation du droit au silence peut être invoquée dans les procédures en cours

Puis, sur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, déclinant une position pragmatique, la Haute juridiction retient : 

"16. Selon le deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». En principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s’opposer à l’engagement de la responsabilité de l’État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d’en déterminer les conditions ou limites particulières.

17. En l’espèce, d’une part, les dispositions du troisième alinéa de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur.

18. D’autre part, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles de l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique aurait pour effet de supprimer l’obligation pour l’administration d’informer le fonctionnaire poursuivi disciplinairement de son droit à communication du dossier. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions. En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire devant le conseil de discipline.

19. Par ailleurs, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement."

MDMH AVOCATS réitère son conseil et invite à nouveau les mis en causes qui ont des procédures en instance à se prévaloir de cette violation.

Le vice est suffisamment grave pour que les procédures qui auraient privé le militaire de cette garantie fondamentale soient purement et simplement annulées à l’instar de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt de la CAA de PARIS du 2 avril 2024 précité.

MDMH AVOCATS argue que cette garantie fondamentale doit également s'étendre aux mesures administratives faisant grief aux militaires qui, par leur objet et/ou leurs effets, présentent un caractère nécessairement répressif.

Il en est ainsi notamment des déplacements d'office et autres MOIS, mutation d'office dans l'intérêt du service dont peuvent faire l'objet les militaires de tous corps et tout particulièrement de la gendarmerie nationale généralement lorsqu'ils sont mis en cause dans une procédure judiciaire et /ou disciplinaire et pour lesquels l'article 65 de la Loi du 22 avril 1905 prévoit d'ores et déjà que :

"Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté."

de sorte qu'il suffit d'étendre la garantie fondamentale du droit au silence à ces procédures.

Pour aller plus loin sur le sujet : 

Retrouver notre article de référence :

Le droit au silence en matière disciplinaire EN CLIQUANT ICI 

© MDMH – Publié le 22 octobre 2024

Maître Elodie MAUMONT
Maître Elodie MAUMONT
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