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QUE DOIT-ON SAVOIR SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT ?

Publié le 14/04/15

Par Hannelore MOUGIN, élève avocat et par Me Delphine MAHE

Le projet de loi sur le renseignement a été publié le 19 mars 2015 et les débats devant l’Assemblée Nationale ont débuté ce 13 avril 2015.

Il se présente comme une étape supplémentaire dans le renforcement de la prévention des attaques à la sécurité intérieure après l’adoption du Décret n° 2015-253 du 4 mars 2015 entré en vigueur le 5 mars 2015, prévoyant le déréférencement des sites incitant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique.

L’adoption du projet de loi relatif au renseignement nécessitera un remaniement du Code de la Sécurité Intérieure.

Pourtant, en l’état, ce projet de loi est la cible de nombreuses critiques, qu’il s’agisse de magistrats, d’avocats, de journalistes, des organes de l’Etat tels la CNIL ou le Défenseur des Droits, des acteurs du numérique ou des associations de défense des libertés.

L’exposé des motifs de ce projet de loi précise que ce projet intervient car « il reste surtout à encadrer l’utilisation des techniques de recueil du renseignement pour renforcer la protection des libertés individuelles tout en sécurisant l’action des services spécialisés ».

En effet, la France « est manifestement en retard » comme le soulignent les insuffisances du cadre juridique national en matière de lutte contre le terrorisme et les événements de début d’année. Néanmoins, le terrorisme ne serait-il pas un prétexte pour limiter nos libertés ?

Précisément, le dispositif répressif est bien existant, mais en matière de prévention et de détection de projets criminels les « outils du renseignement hors procédure judiciaire s’avèrent encore mal adaptés à la réalité opérationnelle ».

Ce projet de loi intervient, selon Monsieur le Premier Ministre Manuel VALLS, pour combler cette carence et ainsi offrir « un cadre légal général aux activités des services de renseignements, alliant détermination des principes, définition des techniques et renforcement du contrôle ».

Pour ce faire, il est prévu de créer une nouvelle autorité administrative indépendante la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement (CNCTR).

Ainsi, il est envisagé que le recueil de renseignements par des techniques dites « spéciales » ne pourra être opéré que pour des motifs concernant « en particulier la sécurité nationale, les intérêts essentiels de la politique étrangère, les intérêts économiques ou scientifiques essentiels, la prévention du terrorisme, la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous, la prévention de la criminalité organisée et la prévention des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique » (article L.811-3).

Dans ces circonstances, les données recueillies par la CNCTR doivent être détruites selon des délais variables.

Or, s’agissant de la procédure décrite dans ce projet de loi, cette dernière se rapproche de celle utilisée dans le cadre des écoutes administratives demandées à l’actuelle Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS).

En l’occurrence, l’autorisation des écoutes est accordée par le Premier Ministre. Elle doit intervenir à la suite d’une demande du Ministre de la Défense, du Ministre de l’Intérieur ou encore du Ministre de l’économie.

Aussi, tout comme la procédure devant la CNCIS, les modalités d’opposition sont quasi inexistantes.

Précisément, il est prévu de faire du Conseil d’Etat le garant des données individuelles.

En effet, si le Conseil d’Etat constate « qu’une technique de renseignement est ou a été mise en œuvre ou exploitée irrégulièrement, elle peut annuler l’autorisation et ordonner, s’il y a lieu, la destruction des renseignements irrégulièrement collectés. »

A cet effet, le projet de loi précise que dans le but de protéger le secret défense, le requérant sera informé d’une illégalité avec indemnisation en cas de préjudice.

S’agissant des techniques « spéciales » de renseignement, le projet de loi autorise l’accès administratif aux données de connexion des Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI).

Le texte ajoute que « pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, des données de connexion de personnes préalablement identifiées comme présentant une menace » est possible.

Le Premier Ministre pourra ainsi ordonner aux opérateurs de FAI de « détecter par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion ».

Parmi les autres mesures envisagées par le texte de loi, il est prévu la localisation en temps réel d’un véhicule ou d’un objet ou encore la captation à titre exceptionnel de correspondances, les interceptions des communications électroniques ou encore l’enregistrement des paroles ou d’images … L’ensemble de ces mesures devra être autorisé selon des conditions plus ou moins strictes.

Ce projet de loi n’est donc pas sans poser de questions s’agissant notamment de l’adéquation entre le respect des libertés individuelles et la protection de l’ordre public.

Cette problématique a notamment été mise en avant par Virginie DUVAL, présidente de l’Union Syndicale des Magistrats qui déplore l’absence d’intervention du juge judiciaire, garant des libertés individuelles, dans la procédure de contrôle.

Par ailleurs, lors de son audition par devant la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale le 2 avril 2015, le Défenseur des Droits, Monsieur Jacques TOUBON a fait part de plusieurs observations.

Pour illustration, il précise que les techniques de renseignement qui pourraient être mises en œuvre « sont plus nombreuses et plus intrusives que celles existantes à l’heure actuelle » ce qui nécessite plus de clarté et de précision quant à cette loi et son application.

Cette exigence de précision est aussi nécessaire quant aux motifs d’intérêt public justifiant la mise en œuvre de techniques de renseignements.

Au surplus, il est rappelé que certaines catégories de personnes, telles les journalistes et les avocats par exemple, bénéficient normalement de garanties procédurales supplémentaires prévues par le Code de Procédure Pénale et la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Or, le projet de loi ne présente aucune disposition concernant ces professions et contrevient dès lors à la protection qui leur est accordée par les normes précitées.

A la lecture de ce projet de loi, il est constant que plusieurs interrogations demeurent sans réponse.

Précisément, il n’existe en l’état aucune garantie permettant de s’assurer que le recours aux techniques de renseignements par la voie administrative ne soit pas un moyen pour contourner la procédure pénale et opérer une surveillance de masse sans réel contrôle efficace.

Pour une information complète et éclairée nous vous invitons à lire ce projet de loi en cliquant sur le lien ci-dessous : http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2669.asp

Maître Elodie MAUMONT
Maître Elodie MAUMONT
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