Par Me Aïda Moumni
« Toute peine mérite salaire » : cet adage fonde la contrepartie à tout travail effectif.
Mais que faire lorsque son employeur refuse de verser le bénéfice d’une majoration d’indice de solde ou de prime voire lorsqu’il verse une solde sur une base erronée ?
Cette réalité touche malheureusement de plus en plus de militaires et de gendarmes qui se retrouvent démunis face à l’institution et pour ceux qui décident d’entamer des démarches judiciaires, un véritable "parcours du combattant" les attend pour obtenir le paiement de leur dû.
En effet, ainsi que la loi l’exige, le militaire ou gendarme doit avant tout saisir sa hiérarchie d’une demande officielle en paiement. L’administration dispose alors d’un délai de deux mois pour y répondre. Dans le cas d’un refus exprès ou du silence gardé durant ce délai, le militaire ou gendarme devra obligatoirement saisir avant tout contentieux, la Commission de Recours des militaires pour demander l’annulation de la décision de refus.
Le ministre dispose alors d’un délai de 4 mois pour rendre sa décision.
Ce n’est qu’à l’issue de ces démarches qu’il sera possible de saisir le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir ou de plein contentieux mais là encore il peut parfois s’écouler entre deux à trois années avant d’obtenir une décision.
Autant dire que le parcours est semé d'embûches sans compter qu'il peut être dissuasif et ne fait qu'augmenter le préjudice matériel et moral des gendarmes et militaires qui se voient privés d'une partie de leur solde ou accessoires de solde sans raison valable durant tout ce temps.
Le Code de justice administrative prévoit heureusement une procédure plus rapide qui permet, en l'absence de contestation sérieuse sur l'existence du principe de la créance, de condamner l'Etat à verser, à titre de provision, les sommes dues voire même, des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi si les faits caractérisent une faute engageant la responsabilité de l'Etat.
L’article R 541-1 du Code de justice administrative prévoit en effet que:
" Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie"
C’est la procédure dite du "référé provision". Elle a pour avantage de permettre la saisine du juge administratif sans attendre la décision du ministre dans le cadre du recours devant la Commission de recours des militaires, ni d’avoir à justifier d'une procédure au fond tendant à l’annulation de la décision querellée.
Par ailleurs, la décision est rendue, en général, dans un délai de l’ordre de 6 à 9 mois à compter de l'introduction de la requête contre 2 voire 3 années dans le cadre d'un recours contentieux au fond.
Les exemples sont nombreux.
Ainsi, de nombreux personnels militaires pacsés qui ont consulté mon cabinet au regard du refus obstiné du Ministre de la défense de leur verser l’indemnité pour charge militaire au taux n°1 au motif qu’ils n’étaient pas mariés et ce malgré la loi instituant le PACS qui prévoit expressément l’égalité entre les couples mariés et Pacsés s’agissant des avantages financiers accordés.
Grâce au référé provision, les provisions demandées ont toutes été accordées (TA Bordeaux 14/06/2013 n° 1301591 Madame G. c/ Mindef ; TA Rennes 24/03/2014 n° 1300774 Monsieur V. c/ Mindef).
Ou encore, le Ministre de la défense refusait de revaloriser l'indice de solde de Madame D, employée en qualité de personnel administratif des hôpitaux des armées malgré un décret adopté en décembre 2009 d’application immédiate.
Madame D avait fait de nombreuses demandes qui lui étaient toutes refusées au prétexte que certains obstacles juridiques s’opposaient à l’application dudit décret.
La Cour administrative de Marseille a considéré que Madame D. avait droit au versement des arriérés de solde de même qu’elle a estimé que le comportement du Ministre de la défense était fautif et a fait droit à une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral (CAA Marseille 11/03/2014 n° 13MA03072 Madame D. c/ Mindef).
Que dire également du refus délibéré de versement d'un pécule d'incitation à une seconde carrière?
Ou du refus de verser les arriérés d'indemnité de solde lorsque la justice a considéré que l'Etat a mis fin illégalement à un contrat d'engagement?
Là encore le référé provision a permis d'obtenir la condamnation de l'Etat au versement d’une provision sur les sommes dues et ce, dans un délai inférieur à 6 mois pour la plupart (TA Nantes 18/04/2014 n° 1309697 M. R. c/ Mindef; TA Paris 16/04/2014 n° 1317063/5-1 Madame R. c/ Mindef).
Le juge des référés a ainsi le pouvoir de condamner l'Etat dès lors qu'il constate que la créance n'est pas sérieusement contestable.
Grâce à cette procédure les personnels militaires disposent d’un outil efficace au soutien de leurs intérêts.
Paru dans la revue « L’Essor de la Gendarmerie Nationale » Juin 2014