Me Aline TELLIER, avocat collaborateur et Me Aïda MOUMNI, avocat associé
La loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics prévoit en son article 1er que sont prescrites dans un délai de quatre ans les créances au profit de l’État, à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Passé ce délai et si aucun acte interruptif ou suspensif de prescription n’a eu lieu, le créancier perd ses droits sur cette créance.
Il est cependant possible de demander une levée de la prescription même si elle est rarement admise.
En effet, l’article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics énonce :
« Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi.
Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l’État peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier.
La même décision peut être prise en faveur des créanciers des départements, des communes et des établissements publics, par délibérations prises respectivement par les conseils départementaux, les conseils municipaux et les conseils ou organes chargés des établissements publics. Ces délibérations doivent être motivées et être approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée. ».
La Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE a rendu un arrêt intéressant sur ce point en date du 17 avril 2012.
Cet arrêt est assez inhabituel pour qu’il soit mis en lumière.
Par cette décision, la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE a admis la levée de la prescription au regard des circonstances particulières de fait, à savoir les hautes qualités professionnelles du militaire demandeur et ses situations financière et médicale catastrophiques.
Ainsi, s’agissant de la levée de la prescription, en l’espèce, quadriennale, la Cour Administrative d’Appel a considéré :
« (…) en application de l’article 6 précité de la loi du 31 décembre 1968, même si sa créance est prescrite, le créancier de l’État peut être relevé en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de sa situation ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. A, en premier lieu, a accompli au cours de sa carrière militaire des faits de bravoure et d’honneur ayant été récompensés par les plus hautes décorations, en deuxième lieu, a obtenu pour sa participation aux opérations en Indochine de 1953 à 1955 la croix du combattant « volontaire » avec barrette Indochine, en dernier lieu, se trouvait à la date de sa demande du 2007 dans une situation financière difficile avec un état de santé dégradé ; que dans ces conditions particulières, le refus attaqué de relever la créance en litige de prescription quadriennale est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ; (…) ».
Eu égard à cette motivation, le refus de levée de la prescription avait des conséquences disproportionnées sur la situation sociale, financière et familiale du requérant par rapport à l’exigence de l’intérêt général, qui fonde l’existence des règles de prescription.
C’est l’importance de ce déséquilibre qui a justifié l’annulation de la décision refusant la levée de la prescription et ce sur le fondement de l’erreur manifeste d’appréciation.
Il reste que les hypothèses de levée de prescription sont rares et elles doivent être motivées par des conséquences d’une particulière gravité pour le requérant (d’ordre professionnel, financier, médical et familial…).
Par ailleurs, il est intéressant de relever que, si la prescription des créances à l’égard de l’État est en principe de 4 ans, dans quelques arrêts isolés, le Conseil d’État a parfois considéré que la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code Civil s’applique en matière de moins versés sur rémunération des agents de l’État.
Mais, cette question fera l’objet d’un autre billet sur ce blog.
Affaire à suivre…
© MDMH – Publié le 28 avril 2015