Par Romy LORENT, juriste, et Me Aïda MOUMNI, avocat associé.
CHRONIQUE n° 3 : REFORME DU CODE CIVIL – L’EXÉCUTION OU LA RENÉGOCIATION DU CONTRAT ?
Suite de la chronique concernant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Même si en principe l’exécution des obligations contractuelles découlant d’un contrat librement négocié et dont le contenu est justement équilibré ne devrait pas poser de difficulté, il arrive tout de même que l’un des cocontractants n’exécute pas les engagements souscrits.
A ce titre, il convient de distinguer deux situations :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » (article 1103 du code civil), sauf changement imprévisible de circonstance contractuelle…
La reprise de la formule célèbre de l’ancien article 1134 du code civil, archétype de la force obligatoire du contrat, est certes reprise dans le nouveau code mais incontestablement atténuée.
En effet, jusqu’alors, ni la Loi ni la jurisprudence n’admettaient de révision judiciaire du contrat, même en cas de bouleversement des conditions d’exécution – et ce depuis l’arrêt de la Chambre des Requêtes de la Cour de Cassation du 6 mars 1876 dit « Canal de Craponne ».
Soucieux de la protection des parties et conscient de l’évolution rapide de notre société, le législateur a décidé de permettre aux parties, de façon amiable dans un premier temps puis en dernier recours par le juge, de renégocier le contrat « en cas de changement imprévisible de circonstance contractuelle » (article 1195 du code civil).
Toutefois, afin de conserver une force obligatoire aux engagements librement souscrits, cette révision du contrat est très largement encadrée, et n’est possible que sous certaines conditions : en cas de changement imprévisible de circonstance contractuelle, qui rend l’exécution « excessivement onéreuse une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque », dont la survenance ne pouvait être anticipée au moment de la conclusion du contrat, et à défaut de clause contraire dans le corps du contrat.
La partie qui sollicite la révision ou la résolution du contrat devra alors demander une renégociation contractuelle, mais en aucun cas elle ne devra cesser d’exécuter ses obligations contractuelles.
Si cette renégociation contractuelle n’aboutit pas dans un délai raisonnable, l’une des parties pourra faire appel au juge pour demander la résolution ou la révision du contrat.
Ce mécanisme constitue une des avancées majeures de la réforme du code civil, et permettra au juge de réellement s’immiscer dans le contenu du contrat.
A cette hypothèse d’inexécution « en cas de changement imprévisible » s’ajoute la force majeure contractuelle, « évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées » et qui « empêche l’exécution de son obligation par le débiteur » (article 1218 du code civil).
En cas de force majeure définitive, le contrat sera résolu de plein droit.
De ce fait, alors même que le principe de la force obligatoire du contrat est réaffirmé, il semble que le gouvernement et le législateur aient pris acte de l’existence de nombreux aléas contractuels.
Pour autant, à défaut de tels aléas, la force obligatoire demeure le maître mot de la matière contractuelle.
Si l’une des parties ne respecte pas ses engagements, qu’elle exécute mal voire n’exécute pas ses obligations, 5 voies s’ouvrent à la partie lésée :
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. » (article 1217 du code civil).
Ces hypothèses reprennent en substance les solutions antérieures de l’ancien article 1147.
Attention, dans chacune de ces hypothèses, la prudence est de mise : il convient de s’assurer de la réalité et de la gravité de l’inexécution, au risque de se voir reprocher une telle réaction, d’autant plus lorsque l’intervention du juge n’intervient qu’a posteriori, comme notamment l’exception d’inexécution (articles 1219 et 1220 du code civil).
En tout état de cause, l’esprit général du code civil dans sa nouvelle version laisse transparaitre une volonté d’éviter un recours systématique au juge et de laisser une plus large marge de manœuvre aux parties quand l’exécution du contrat se complique.
© MDMH – Publié le 19 octobre 2016