Par Soufïa HENNI, Avocat collaborateur et Aïda MOUMNI, Avocat associé
Il est fréquent que les militaires soient victimes d’une perte d’audition à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
Or, si l’imputabilité au service d’une telle affection pose moins de difficulté au moment de la première demande de pension d’invalidité, il en est autrement dans le cadre d’une demande d’aggravation qui peut survenir plusieurs années après.
En effet, aux termes de l’article L. 121-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre :
« Ouvrent droit à pension :
(…)
3° L’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ».
L’administration rejette presque systématiquement ces demandes de pension militaire d’invalidité au titre d’une aggravation au motif que des « connaissances médicales généralement admises reconnaissent le caractère stationnaire voire régressif des hypoacousies d’origine sonotraumatiques lorsque que le sujet n’est plus soumis à des agressions sonores ».
Une telle motivation se retrouve régulièrement dans les décisions de rejet des demandes d’aggravation.
Or, à cet égard, le Tribunal des pensions de Paris s’est prononcé sur cette motivation par jugement du 11 octobre 2016 (n°05/00031) :
« Attendu qu’elle précise qu’en vertu des connaissances médicales acquises qui reconnaissent aux hypoacousies traumatiques un caractère stable voire améliorable, il convient de conserver les mesures de 27,5 décibels et 38,75 décibels pour la perte auditive de l’O D et de l’O G comme imputables au service.
Attendu que bien évidemment, l’administration ne précise pas quelles sont ces connaissances médicales qui lui permettent d’affirmer qu’une surdité de perception post-traumatique avec séquelles et donc destruction des cellules, peut s’améliorer.
Qu’en tout état de cause ses éventuelles recherches en ce sens risquent d’ores et déjà d’être vouées à l’échec. ».
La Juridiction a donc écarté les motifs invoqués par l’administration quant à des connaissances médicales permettant d’exclure la perte d’audition comme imputable au service.
En outre, il convient de préciser que lorsque l’administration se prévaut également d’une perte d’audition due au vieillissement de l’intéressé, elle ne peut écarter le droit à pension au titre d’une aggravation.
En effet, le Conseil d’État a jugé par un arrêt du 12 mars 2007 (n°281585) :
« que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé ; qu'ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension ; qu'en revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci , les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée ;
Le Conseil d’État a confirmé cette analyse par un arrêt du 26 novembre 2012 (n°333799).
Il est en conséquence d’autant plus important de contester de telles décisions qui sont manifestement contraires à l'état du droit.
© MDMH – Publié le 16 novembre 2018