Par Maître Aïda MOUMNI, avocat associé
Le Tribunal administratif de PARIS a jugé le 25 octobre 2018 dans le cadre d'une requête introduite par MDMH Avocats que constituait bien une circonstance exceptionnelle justifiant la démission d'un militaire malgré son engagement à rester en position d'activité, dès lors que ce militaire qui avait été formé pour être Pilote, avait été muté pour effectuer une mission de "cybertraitance" après une décision d'arrêt de progression sur un type d'avion.
Cette décision que l'on peut qualifier de courageuse tant la jurisprudence manque sur la définition d'une circonstance exceptionnelle, permet de rappeler que le Ministre des armées doit justifier de l'intérêt du service et de l'adéquation de la spécialité du militaire avec son affectation et son éventuelle réorientation.
En effet l'article L 4139-13 du Code de la défense précise que :
"La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d'un contrat, régulièrement acceptée par l'autorité compétente, entraîne la cessation de l'état militaire.
La démission ou la résiliation du contrat, que le militaire puisse bénéficier ou non d'une pension de retraite dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 et à l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n'a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en activité.
Le Tribunal administratif a retenu dans sa motivation que:
"(…) Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier poste lui aurait été proposé et qu’il l’aurait refusé, et l’administration ne se prévaut d’aucun motif tiré de l’intérêt du service pouvant justifier son affectation à la direction du renseignement militaire, qui ne correspondait ni à la formation de pilote de l’aéronautique navale qu’il avait reçue, ni à ses expériences passées, ni à ses souhaits de réorientation. Dès lors, dans les circonstances de l’espèce
et compte tenu de la spécialité de M. X, sa demande de démission doit être regardée comme fondée sur un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées des articles L. 4139-13 du code de la défense et 5 du décret du 12 septembre 2008, lié à l’exercice d’un emploi sans lien avec ses compétences (…)"
En effet, la circonstance que le militaire ait signé un engagement à rester en activité en vue de poursuivre une scolarité en tant qu'élève officier et non pour une formation spécifique, n'est pas de nature à empêcher que celui-ci puisse exercer dans la spécialité acquise durant sa scolarité.
In fine, cela permet au militaire de poursuivre sa carrière dans la spécialité choisie dès lors qu'aucune circonstance de fait ou de droit ne s'y oppose.
Le Tribunal administratif a d'ailleurs logiquement enjoint le Ministère des armées à accepter la démission du militaire concerné.
Cette décision n'est pas définitive et le ministère des armées pourrait encore faire appel.
Si tel était le cas, les débats devant la Cour administrative d'appel pourraient donner lieu à la création d'une véritable jurisprudence sur la nature du lien au service et ses limites.
© MDMH – Publié le 19 décembre 2018