En principe, le conjoint veuf ou divorcé d'un agent bénéficiaire d'une pension de retraite décédé, a droit à une pension de réversion.
toutefois, en cas de remariage ou de concubinage notoire, le droit à la réversion cesse et le service des pensions de retraite peut réclamer les arriérés.
L'article L 93 du Code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit à cet effet que :
"Sauf le cas de fraude, omission, déclaration inexacte ou de mauvaise foi de la part du bénéficiaire, la restitution des sommes payées indûment au titre des pensions, de leurs accessoires ou d'avances provisoires sur pensions, attribués en application des dispositions du présent code, ne peut être exigée que pour celles de ces sommes correspondant aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle le trop-perçu a été constaté et aux trois années antérieures".
Cet article limite donc les effets de la restitution de la pension dans la limite de trois années en sus de l'année durant laquelle la réclamation a été faite.
Ces dispositions ne s'appliquent qu'en cas d'absence de fraude, d'omission de déclaration ou d'absence de déclaration faite de mauvaise foi.
En substance, pour le cas le plus fréquent, le fait de ne pas déclarer un remariage ou un concubinage notoire empêche de bénéficier de la prescription prévue à l'article L 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Se pose ainsi la question de savoir quelle est l'étendue de la réclamation du service des retraites dans le cas d'une omission de déclaration fautive?
Dans le cadre d'un arrêt du conseil d'Etat rendu le 13 novembre 2019, c'est cette question qui était posée.
Il s'agissait de l’héritière d'un pensionné qui avait continué à bénéficier de la pension de réversion de son conjoint retraité entre 1981 et 1994 date de son décès.
La direction des finances publiques avait réclamé l'ensemble des arriérés de pension de réversion par un commandement de payer émis en 2011 soit plus de 14 années après, considérant que la prescription triennale ne pouvait pas s'appliquer en raison d'une omission de déclaration.
L'Héritière faisait valoir que la créance était prescrite en totalité et invoquait le bénéfice de l'article 2277 du Code civil dans sa version applicable à la date de la créance qui prévoyait que les créances à caractère successif se prescrivent par cinq ans.
Cet article permettait ainsi à cette requérante d'être déchargée de la totalité de la somme dès lors que le service des pensions de retraite s'était abstenu depuis 1994 de former une réclamation en paiement et qu'elle disposait de tous les informations utiles pour ce faire.
Le Tribunal administratif de Marseille avait rejeté la requête au motif que les dispositions de l'article L 93 étaient seules applicables et que la requérante ne pouvait pas utilement invoquer d'autres dispositions légales.
Le Conseil d'Etat a précisé qu'en statuant ainsi, le Tribunal administratif de Marseille avait commis une erreur de droit dès lors que les dispositions du code civil (article 2277 avant 2008 puis 2224 à compter du 17 juin 2008) sont parfaitement applicable dans les cas d'exclusions du code des pensions de retraite.
En effet ces dispositions régissent le régime légal des actions personnelles ou mobilières sans distinction et sont bien opposables par le débiteur de la créance.
Cet arrêt constitue une décision équilibrée pour les redevables de pension de réversion d'un militaire qui avait bénéficié d'une pension de retraite militaire puisqu'elle vient limiter dans le temps l'étendue des sommes à réclamer qui peuvent être parfois très conséquentes.
Il est évident que la décision tenait compte du fait les arrérages étaient réclamés à la petite file d'un pensionné qui avait lui même omis sans mauvaise foi de déclarer son concubinage les dernières années de sa vie.
crédit photo : hammer-719061_960_720 by Unsplash
© MDMH – Publié le 15 novembre 2019