Les décisions administratives sont exécutoires de plein droit. Aussi, même en cas d'exercice d'un recours au fond et s'agissant d'une mesure individuelle faisant grief telle une mesure de radiation des contrôles ou de résiliation de contrat (sanction disciplinaire du 3ème groupe), d'un recours en excès de pouvoir en annulation devant le juge administratif, la décision administrative doit s'exécuter. Pour autant et lorsque certaines conditions sont réunies le juge des référés du tribunal administratif peut ordonner la suspension de la décision contestée.
En droit, aux termes de l'article L 521-1 du Code de justice administrative :
"Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision."
C'est ainsi que la suspension de la décision contestée peut être prononcée si, outre la condition tenant à l'exercice d'un recours au fond, deux conditions sont remplies :
Chacune de ces conditions est spécifiquement examinée par le juge des référés.
Même si la condition d'urgence est souvent contestée par l'autorité militaire, le juge des référés rappelle souvent, comme il l'a été encore récemment, par le juge des référés du Tribunal administratif de TOULOUSE dans une affaire où MDMH AVOCATS a l'honneur d'intervenir pour le requérant :
"3. La condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il en va ainsi, alors même que cette décision n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. La condition d’urgence doit néanmoins s’apprécier objectivement et globalement, en tenant compte de l’ensemble des intérêts en présence."
Plus précisément et en faisant application, la juridiction a retenu que la condition d'urgence était retenue au motif :
"4. D’une part, il résulte de l’instruction que la sanction disciplinaire de troisième groupe portant résiliation du contrat du sergent-chef ........ porte, à elle seule, atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à la situation financière de ce dernier et ce, alors même qu’il a un enfant à charge, et le prive de la possibilité d’exercer son activité professionnelle. La circonstance que l’intéressé serait susceptible de percevoir des revenus de remplacement ne suffit pas à atténuer la gravité des conséquences de la décision en litige sur sa situation, lesquelles doivent être appréciées globalement et concrètement. Par ailleurs, la ministre des armées n’établit pas que le rétablissement éventuel du requérant dans ses fonctions serait de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service et serait, par suite, contraire à l’intérêt public. Il s’ensuit que M. …... justifie d’une situation d’urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative."
S'agissant du doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, MDMH AVOCATS contestait une nouvelle fois la disproportion de la sanction prononcée à savoir celle de la résiliation de contrat.
En effet, aux termes de l'article L 4137-2 du Code de la défense
"Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes :
1° Les sanctions du premier groupe sont :
a) L'avertissement ;
b) La consigne ;
c) La réprimande ;
d) Le blâme ;
e) Les arrêts ;
f) Le blâme du ministre ;
2° Les sanctions du deuxième groupe sont :
a) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ;
b) L'abaissement temporaire d'échelon ;
c) La radiation du tableau d'avancement ;
3° Les sanctions du troisième groupe sont :
a) Le retrait d'emploi, défini par les dispositions de l'article L.4138-15 ;
b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat.
Les sanctions disciplinaires ne peuvent se cumuler entre elles à l'exception des arrêts qui peuvent être appliqués dans l'attente du prononcé de l'une des sanctions des deuxième et troisième groupes qu'il est envisagé d'infliger.
En cas de nécessité, les arrêts et les consignes sont prononcés avec effet immédiat.
Les conditions d'application du présent article font l'objet d'un décret en Conseil d'Etat."
Ainsi la sanction de résiliation de contrat constitue la sanction la plus grave de l'échelle des sanctions disciplinaires.
Or, dans le cas de l'espèce précitée comme dans d'autres affaires dont MDMH AVOCATS a eu la charge, force est de constater que l'autorité militaire avait, après avis du Conseil d'enquête souvent d'ailleurs moins sévère, prononcé la sanction la plus sévère du 3ème groupe.
Dans l'affaire précitée, le juge des référé a suspendu la décision de résiliation et le militaire a depuis été réintégré en son régiment en considérant de ce chef :
"5. D’autre part, le moyen selon lequel la sanction prononcée est manifestement disproportionnée au regard des faits reprochés à l’intéressé est de nature, en l’état de l’instruction, et en particulier eu égard à l’exceptionnelle qualité des états de service du sergent chef …. et alors que la ministre des armées ne produit pas, à tout le moins, le rapport de l’expert automobile permettant de déterminer le déroulement de l’accident ni aucun autre élément à fin d’établir l’implication exacte de l’intéressé, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la sanction de résiliation de contrat prononcée à son encontre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de suspendre l’exécution de la décision du ………., jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité."
Ainsi et même si la suspension de la décision querellée est par nature provisoire dans l'attente du jugement au fond, force est de constater que la procédure de référé suspension apparait, sous réserve d'une analyse particulière de chaque situation une voie procédurale à mettre en œuvre afin de préserver les intérêts du militaire, objet de la sanction contestée.
Pour aller plus loin et sur le même sujet, lire notamment :
SANCTION DISCIPLINAIRE ET CONTENTIEUX MILITAIRE : LES DROITS DES MILITAIRES DOIVENT ETRE RESPECTES
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© MDMH – Publié le 20 novembre 2019