Il y a quelques jours MDMH AVOCATS assistait aux prestations de serment des jeunes avocats du Barreau de Paris dont l’une de ses collaboratrices. A l’occasion de cette cérémonie officielle, ô combien importante pour tous, un représentant de l’ordre des avocats y prononce un discours. Une fois n’est pas coutume le représentant du bâtonnier évoquait le rôle de l’avocat.
Le représentant du Bâtonnier de Paris indiquait alors que les avocats font la jurisprudence et participent pleinement à l’œuvre de justice.
Il prenait pour exemple le célèbre arrêt CANAL, ROBIN et GODOT du Conseil d’Etat du 19 octobre 1962 et la victoire judiciaire obtenue par les avocats des requérants.
Or, cette décision a, nous concernant, praticiens du droit des militaires, nécessairement une résonnance, toute particulière.
Ladite procédure et ce grand arrêt de la jurisprudence administrative s’inscrivent en effet dans les suites du référendum du 8 avril 1962 et de l’approbation des accords d’Evian mettant fin à la Guerre d’Algérie.
Ainsi avait été validé la possibilité pour le Président de la République, alors le Général de Gaulle de prendre par ordonnance ou par décret en conseil des ministres « toutes mesures législatives ou réglementaires relatives à l’application » des accords d’Evian.
Sur ce fondement, le Général de Gaulle avait par une ordonnance du 1er juin 1962 créé une juridiction spéciale, la Cour militaire de justice chargée de juger les autres et complices de certaines infractions en relation avec les évènements algériens.
La procédure instituée était spéciale et aucun recours n’était possible.
Messieurs CANAL, ROBIN et GODOT avaient été condamnés à mort par cette cour.
C’est ainsi que, face à une décision qu’ils contestaient mais à l’encontre de laquelle aucune voie de recours n’était possible, les avocats des requérants ont choisi d’attaquer l’ordonnance ayant instituée la juridiction d’exception qu’était la Cour militaire de justice.
La Haute Assemblée a suivi l’argumentation des requérants et a prononcé l’annulation de l’Ordonnance en considérant notamment que « eu égard à l'importance et à la gravité des atteintes que l'ordonnance attaquée apporte aux principes généraux du droit pénal, en ce qui concerne, notamment, la procédure qui y est prévue et l'exclusion de toute voie de recours », la création d'une telle juridiction d'exception ne pouvait pas être décidée sur le fondement de l'habilitation donnée au Président de la République pour la mise en application des accords d'Evian par la loi référendaire.
Cette décision, ainsi que le rappelle le Conseil d’Etat a suscité à l’époque de vives réactions dont celle du Général de Gaulle, mécontent.
Elle est pour tout juriste, praticien du droit, l’exemple parfait de ce qui doit être mis en œuvre pour défendre une cause : « De l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ».
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© MDMH – Publié le 13 décembre 2019