Ainsi que nous avons eu l'occasion de l'évoquer à plusieurs reprises sur notre blog, les problématiques, pour un militaire, du non renouvellement de son contrat et de retrait ou de la non attribution de son habilitation secret défense sont souvent liées et la deuxième peut servir de prétexte à la première, l'administration croyant pouvoir s'en prévaloir, sans autre explication. Par son arrêt rendu le 16 mars 2021 (N°19NT03173), la Cour administrative d'appel de NANTES rejette l'appel formé par la Ministre des Armées contre le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 23 mai 2019 et réaffirme que le secret de la défense nationale ne saurait à lui seul permettre à l'administration d'échapper à tout contrôle du juge. CQFD.
Si le militaire ne dispose pas d'un droit au renouvellement de son contrat et ne peut s'en prévaloir en tant que tel, en revanche, et ainsi que le rappelle la juridiction administrative d'appel de Nantes, s'il élève le contentieux devant la juridiction administrative, alors il appartient à l'administration de se justifier de de permettre au juge d'exercer son contrôle.
Ainsi, la Cour administratif d'appel rappelle de manière claire que " il appartient par ailleurs à l'administration de faire connaitre au juge administratif, qu'il ne saurait priver de tout contrôle, sans porter aucune atteinte, directe ou indirecte, aux secrets garantis par la loi, toutes indications de nature à permettre à celui-ci de vérifier que la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur de fait, de détournement de pouvoir ou d'erreur manifeste d'appréciation".
La juridiction d'appel nantaise rappelle également que :
"d'autre part, si le juge administratif ne peut avoir accès aux documents en raison d'un refus de communication du ministre invoquant le secret de la défense nationale, rien ne s'oppose à ce que, dans la mesure où ces renseignements lui paraissent indispensables pour former sa conviction sur les points en litige, il prenne toute mesure de nature à lui procurer, par les voies de droit, tous éclaircissements nécessaires, même sur la nature des pièces écartes et sur les raisons de leur exclusion. Il suit de là que lorsque l'administration refuse de lui communiquer des informations relatives à une personne, dès lors que cette communication porterait atteinte au secret des armes, à la défense nationale ou à la sécurité du personnel de la défense, il lui appartient néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite, à la demande du juge, ces informations ou tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer de façon à lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de ce dernier sans que ces éléments puissent être communiquées aux autres parties, auxquelles ils révèleraient les finalités de la décision de classement confidentiel défense."
Dans le cas qui nous concerne, défendu par MDMH AVOCATS et qui a donné lieu à un jugement du 23 mai 2019, commenté dans notre article du 7 juin 2019, "Quand les juridictions administratives se prononcent sur le retrait de l'habilitation confidentiel défense" , le requérant faisant valoir "qu'au cours de sa carrière, il n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire, qu'il s'est vu attribuer d'excellentes notations et décerner de nombreuses décorations et qu'il a toujours bénéficié de l'entière confiance de sa hiérarchie" et ajoutait ainsi que le rappelle la cour administratif d'appel " que la décision attaquée pourrait en réalité être fondée sur des motifs étrangers au service, notamment sur la circonstance qu'il se soit converti à la religion musulmane".
Pour sa part, l'administration se contentait d'indiquer que la décision attaquée de non renouvellement de contrat reposait "sur des réserves liées au comportement personnel de M. ... lequel révèle des vulnérabilités pour le secteur de la défense et qu'eu égard à la sensibilité de la spécialité exercée par l'intéressé, d'une part, et des sites sur lesquels il est amené à accéder d'autre part, il n'est pas envisageable de prendre le moindre risque en prenant une décision de renouvellement du contrat de l'intéressé."
La Ministre des armées ajoutait ainsi que "la déclassification des motifs de la décision querellée, au regard de la nature et de la sensibilité de ces informations, n'est pas possible au motif qu'elle porterait atteinte au secret de la défense nationale." et affirmait que "la circonstance que la commission du secret de la défense nationale ait émis un avis défavorable à la déclassification des informations concernant M .... est une indication particulièrement significative et révélatrice de la sensibilité de ces dernières et elle estime enfin que l'ensemble de ces éléments est de nature à permettre au juge d'être suffisamment informé du motif de la décision attaquée et de s'assurer que ce dernier constituait bien un motif légal de refus d'habilitation".
La Cour administrative d'appel, suivant l'argumentation développée par MDMH AVOCATS n'a pas été convaincue par la Ministre des armées et retient ainsi :
"Toutefois, en se bornant à faire valoir ces éléments trés généraux, sans même spécifier la nature des vulnérabilités pour le secteur de la défense mises en cause par le comportement personnel de l'intéressé ou apporter des précisions concernant ce comportement personnel, la ministre des armées ne produit aucune indication relative au comportement personnel de M ... et ne soumet au juge aucune information ou élément approprié sur la nature et les motifs fondant le refus de communication de façon à lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de ce dernier, sans que ces éléments puissent être communiquées aux autres parties".
et d'en conclure :
"Dans ces conditions, la réalité des motifs ayant conduit au non renouvellement du contrat d'engagement de M. .. notamment au regard de l'intérêt du service de la défense nationale n'est pas établie."
et ce faisant à la confirmation du jugement.
MDMH AVOCATS se satisfait de cette décision d'appel qui confirme que le secret de la défense nationale n'est pas un blanc seing pour l'administration qui pourrait s'y retrancher pour ne pas justifier devant le juge administratif ses décisions lorsqu'elles sont contestées.
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© MDMH – Publié le 19 mars 2021