L'aptitude à servir en qualité de militaire est exigée avant tout engagement et elle est vérifiée régulièrement au cours de la carrière.
A cet effet, l'article L 4132-1 du code de la défense prévoit que:
"Nul ne peut être militaire :
1° S'il ne possède la nationalité française, sous réserve des dispositions de l'article L. 4132-7 ;
2° S'il est privé de ses droits civiques ;
3° S'il ne présente les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ;
4° S'il n'est âgé de dix-sept ans au moins, ou de seize ans pour recevoir une formation générale et professionnelle en qualité de volontaire dans les armées ou en qualité d'engagé dans une école militaire.
Ces conditions sont vérifiées au plus tard à la date du recrutement.
Le mineur non émancipé doit être pourvu du consentement de son représentant légal."
Un arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille rendu le 19 novembre 2021 éclaire de manière intéressante les exigences qui découlent de ce texte sur le recrutement des candidats et la faute qui peut être retenue à l'encontre de l'administration militaire en cas de non respect des dispositions précitées.
Dans les cas de l'arrêt du 19 novembre 2021, il s'agissant d'un requérant qui avait souscrit un engagement à servir entre 2008 et 2014 puis a souscrit en 2017 un nouveau contrat en 2017 après ne interruption de service de 3 ans.
Il s'avère que cet ancien militaire avait subi un accident de service durant son premier engagement et qui n'a pas fait l'objet d'un rejet de la part du ministère des armées qui lui a fait signer un contrat d'engagement.
Ce n'est qu'un mois après la signature de ce contrat qu'une décision d'inaptitude définitive était prise à l'encontre de ce militaire qui voyait son contrat dénoncé par l'autorité militaire.
Le militaire formait ainsi une demande d'indemnisation de son préjudice financier et moral dès lors qu'il avait démissionné de son emploi précédent au regard de l'engagement qui lui était proposé.
La cour administrative d'appel de Marseille relève a cet effet que l'autorité militaire avait bien commis une faute dès lors que le code de la défens prévoir que l'aptitude du candidat doit être vérifiée au plus tard au jour de son recrutement et non postérieurement à celui-ci.
La Cour relève également que la ministre des armées ne pouvait être exonérée du fait des circonstances médicales qui ont conduit à la dénonciation de ce contrat en relevant que les motifs d'inaptitudes étaient déjà portés à sa connaissance loirs du recrutement.
Il est intéressant de noter d'ailleurs que la Cour a estimé que le dossier médical du militaire antérieurement recruté était réputé connu de l'autorité militaire qui ne peut pas prétendre qu'elle n'aurait pas eu connaissance de ces éléments lors de l'engagement du militaire.
Ainsi, la période probatoire qui permet de résilier unilatéralement par l'une ou l'autre des parties le contrat d'engagement ne peut servir à vérifier à postériori l'aptitude réelle du militaire.
A cet effet, la Cour précise que :
"Si la ministre des armées fait valoir qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'autorité militaire de convoquer le requérant à une visite médicale préalable, il ressort des dispositions précitées de l'article L. 4132-1 du code de la défense que l'aptitude de ce dernier à exercer ses fonctions devait être appréciée au plus tard à la date de son recrutement. Il résulte de l'instruction que l'inaptitude de M. A... a été prononcée en raison de ses antécédents médicaux constatés alors qu'il servait sous couvert d'un précédent contrat d'engagé volontaire au régiment de soutien du combattant à Toulouse et aggravés par un accident de service survenu le 6 juin 2013. Ces éléments médicaux, dont l'autorité militaire avait nécessairement connaissance, sont réputés avoir fait partie du dossier au vu duquel le ministre a autorisé le réengagement de l'intéressé. Ainsi, et alors même que M. A... disposait d'un certificat d'aptitude médicale à servir dans la réserve opérationnelle établi le 18 juin 2015 et valable pour une durée de deux ans et que la visite médiale périodique ne devait intervenir qu'au mois de juin 2017, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de vérifier préalablement à la signature d'un nouveau contrat de recrutement, si, l'état de santé de M. A... permettait son réengagement.
Dans le cadre du recours formé par ce militaire, il faisait valoir qu'il avait démissionné de son emploi après avoir été informé de la décision de l'autorité militaire de le recruter.
La ministre des armées considérait que le préjudice financier né de cette perte d'emploi n'était pas lié à la dénonciation de son contrat mais en raison de son inaptitude médicale qui ne lui serait pas imputable.
La encore la cour administrative d'appel de Marseille relève que si l'autorité militaire avait vérifié l'aptitude de l'intéressé au plus tard au jours de son engagement, celui-ci n'aurait pas perdu son emploi de sorte que c'est en raison de la faute de l'administration que le militaire a subi une perte d'emploi et un préjudice financier directement lié à la faute commise.
Cette décision nous semble intéressante dès lors qu'elle rappelle que l'aptitude au recrutement et/ou en début d'engagement ne peut faire l'objet de décision contradictoires ou tardives mettant les jeunes militaires et gendarmes dans des situations difficiles.
De plus, la Cour administrative d'appel de Marseille recentre bien la notion d'aptitude à l'engagement qui doit être interprétée restrictivement.
Cet arrêt n'est pas définitif et il pourrait faire l'objet d'un pourvoi devant le conseil d'Etat.
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Pour consulter l'arrêt de la CAA de Marseille du 19/11/2021 n° 20MA00957 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044359194?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=20ma00957&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat
© MDMH – Publié le 1er décembre 2021