Les militaires et les gendarmes peuvent être exposés dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions à des substances nocives pour la santé pouvant développer des maladies graves.
C'est le cas notamment des expositions à l'amiante après une durée d'exposition plus ou moins longue ou sans protection adaptée.
Les connaissances médicales ont permis de déterminer que les chances de développer une maladie susceptible de réduire l'espérance de vie était avéré.st à l'occasion des nombreux procès liés à
A l'occasion du scandale de l'amiante, la justice a reconnu l'existence d'un préjudice lié à l'angoisse de connaitre les risques liés à la connaissance d'un risque avéré de contracter une maladie grave pouvant même entrainer un décès.
Il s'agit du préjudice d'anxiété.
Le conseil d'Etat vient de rendre un arrêt important dans le cadre d'une affaire portée par un militaire ayant servi dans la Marine Nationale.
Il exposait en effet avoir été régulièrement affecté sur des bâtiments composés d'amiante et qu'il avait été exposé à des poussières d'amiante.
Ce dernier a ainsi sollicité l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence en raison de cette exposition.
Le militaire a obtenu gain de cause en première instance puis en appel.
Le ministère des armées a formé un pourvoi pour contester l'analyse de la cour administrative d'appel de Nantes en considérant que le militaire concerné ne justifiait pas de l'existence de son préjudice et qu'il ne rapportait pas la preuve d'une manifestation matérielle de son préjudice d'anxiété c'est à dire l'absence de manifestation anxieuse ou dépressive médicalement constatée.
Le conseil d'Etat rejette le pourvoi du ministère des armées et se saisit de l'occasion pour définir les contours de ce préjudice.
Il est ainsi jugé par la juridiction suprême que :
" La personne qui recherche la responsabilité d'une personne publique en sa qualité d'employeur et qui fait état d'éléments personnels et circonstanciés de nature à établir une exposition effective aux poussières d'amiante susceptible de l'exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave et de voir, par là même, son espérance de vie diminuée, peut obtenir réparation du préjudice moral tenant à l'anxiété de voir ce risque se réaliser. Dès lors qu'elle établit que l'éventualité de la réalisation de ce risque est suffisamment élevée et que ses effets sont suffisamment graves, la personne a droit à l'indemnisation de ce préjudice, sans avoir à apporter la preuve de manifestations de troubles psychologiques engendrés par la conscience de ce risque élevé de développer une pathologie grave".
Par cette motivation, le conseil d'Etat juge que pour faire la preuve du préjudice d'anxiété il suffit de démontrer d'une part, que le militaire a bien été exposé aux poussière d'amiante et, d'autre part que la durée d'exposition à cette substance permet d'établir la réalité du risque de survenance de la maladie.
Enfin, le Conseil d'Etat rappelle que cette maladie potentielle doit être d'une réelle gravité et pouvant allers jusqu'à diminuer l'espérance de vie.
Le Conseil d'Etat semble ainsi établir une présomption de réalisation du préjudice en faveur des requérants exposés à un risque avéré sans qu'ils aient besoin de rapporter la preuve de manifestations physiques de l'anxiété telle que des troubles psychologiques médicalement constatés.
Il s'agit là de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat envers ses agents lorsqu'il les a exposés à des substances dangereuses.
Ce raisonnement pourrait à notre sens être transposé dans le cadre d'exposition à d'autres substances reconnues dangereuses et susceptibles de diminuer l'espérance de vie (nucléaire, substances chimiques ...).
Le conseil d'Etat va plus loin dans la définition du cadre légal applicable à la reconnaissance d'un préjudice d'anxiété.
Il juge que ce préjudice concerne non seulement des militaires qui sont directement intervenus sur la substance dangereuse mais également ceux qui justifient avoir été exposés à l'amiante dans l'exercice de leurs fonction.
En effet, le militaire qui a porté cette affaire en justice n'intervenait pas directement sur les bâtiments de la Marine nationale et ne contribuait pas à leur entretien mais il justifiait avoir été exposé durant plusieurs années à l'amiante lors de ses affectations sur des bâtiments de la Marine Nationale durant de longues périodes qui plus est dans des espaces confinés.
Le Conseil d'Etat précise à cet effet que :
"Doivent ainsi être regardées comme faisant état d'éléments personnels et circonstanciés de nature à établir qu'elles ont été exposées à un risque élevé de pathologie grave et de diminution de leur espérance de vie, dont la conscience suffit à justifier l'existence d'un préjudice d'anxiété indemnisable, les personnes qui justifient avoir été, dans l'exercice de leurs fonctions, conduites à intervenir sur des matériaux contenant de l'amiante et, par suite, directement exposées à respirer des quantités importantes de poussières issues de ces matériaux.
Doivent également être regardés comme justifiant d'un préjudice d'anxiété indemnisable, eu égard à la spécificité de leur situation, les marins qui, sans intervenir directement sur des matériaux amiantés, établissent avoir, pendant une durée significativement longue, exercé leurs fonctions et vécu, de nuit comme de jour, dans un espace clos et confiné comportant des matériaux composés d'amiante, sans pouvoir, en raison de l'état de ces matériaux et des conditions de ventilation des locaux, échapper au risque de respirer une quantité importante de poussières d'amiante".
Ainsi, Sans existence d'une maladie reconnue imputable au service, les militaires peuvent faire valoir le préjudice moral lié à la connaissance du risque important de développer une pathologie grave.
Pour accéder à la décision du conseil d'Etat du 28/03/2022 n° 453378 cliquer ici.
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© MDMH – Publié le 30 mars 2022