Le harcèlement sexuel dans le milieu professionnel est une réalité accablante et omniprésente dans notre société contemporaine. Lorsque ce harcèlement est commis par un supérieur hiérarchique, il s'inscrit dans une dynamique de pouvoir et d'autorité qui accentue d'autant son effet dévastateur sur la victime qui est atteinte dans sa dignité. Le monde militaire n'est évidemment pas épargné. Illustration avec l'arrêt rendu le 12 septembre 2023 par Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de LYON.
Une peine majorée pour des faits commis par un supérieur
Aux termes de l'article 222-33 du Code pénal le harcèlement sexuel est notamment défini comme :
"I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante."
Alors que les peines prévues sont de 2 ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, le III 8° du même article prévoit que "Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :"
(...) 8° Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait."
Ainsi, la qualité de supérieur hiérarchique caractérise bien une circonstance aggravante.
De ce chef, l'arrêt visé, rendu par la Cour d'appel de Lyon, précise :
"Il est constant que le prévenu était l'un de ses supérieurs hiérarchiques ; qu'à la date des faits, étant sergent de semaine, il occupait le poste de chef d'équipe et que les faits qui lui sont reprochés ont été commis dans un contexte professionnel et militaire où le lien de subordination était prégnant".
Reprenant ainsi l'argumentation développée par MDMH AVOCATS sur la spécificité du harcèlement sexuel dans les armées, son appréhension et sa compréhension, la Cour d'appel de Lyon caractérise ainsi le contexte particulier militaire au sein duquel évoluait harceleur et victime.
En effet, et lorsque l'on est confronté à de tels faits, il faut avoir en tête que les armées, caractérisées par des structures hiérarchiques strictes et des environnements souvent dominés par les hommes (cf. notre article sur l'humain derrière l'uniforme et les statistiques sur la féminisation dans les armées, à retrouver ICI) peuvent présenter un terrain propice à la manifestation de tels comportements abusifs.
Le harcèlement sexuel peut également être exacerbé par divers facteurs tels que la promiscuités des conditions de vie, le stresse et l'isolement lors de certaines missions.
De même, les valeurs et la culture militaire, souvent associées à une masculinité hypervalorisée, peuvent contribuer à créer un environnement où le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles peuvent être minimisés, ignorés ou tout simplement cachés.
Il n'est pas ici question de généraliser à tous des faits délictueux mais d'avoir conscience de la spécificité de l'appréhension du harcèlement sexuel dans les armées et tout particulièrement des victimes qui deviennent souvent celles par qui le scandale arrive, et qui peuvent être ostracisées et isolées.
Si les pouvoirs publics se sont emparés du sujet depuis plusieurs années et que divers mécanismes et systèmes d'alerte ont été mis en place pour lutter contre le harcèlement sexuel et protéger les victimes dans les armées (cf. notre article "Recueil, traitement et signalements des faits de violences, de discrimination et de harcèlement au ministère des armées à retrouver ICI) et notamment parmi ceux-ci la protection fonctionnelle qui permet notamment à la victime de voir ses frais d'avocats pris en charge par l'Etat, il est apparait approprié que la justice se montre présente et sanctionne fermement les harceleurs qui abusent de leurs pouvoirs et de leurs fonctions.
Inéligibilité et perte de grade
Il convient également de rappeler que la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 du code pénal est, selon les termes de l'article 131-26-2 "obligatoire à l'encontre de toute personne coupable d'un délit mentionné au II" dudit d'article et mentionnée au bulletin n°2 du casier judiciaire prévu à l'article 775 du code de procédure pénale pendant toute la durée de l'inéligibilité.
Or, précisément, le délit de harcèlement sexuel est précisément visé au II 1° de cet article.
Il convient également de rappeler, qu'en droit pénal militaire, le code de justice militaire prévoit expressément en son article L 311-7 que :
"Toute condamnation à une peine d'interdiction des droits civiques ou d'interdiction d'exercer une fonction publique, prononcée par quelque juridiction que ce soit contre tout militaire, entraîne perte du grade.
Lorsque ce même militaire est commissionné, elle entraîne la révocation.
et que la perte de grade entraine d'office la cessation de l'état militaire ainsi que le prévoit l'article L 4139-14 2° du code de la défense . (cf. voir également en ce sens notre article La perte de grade ou la double peine : à retrouver ICI)
Ainsi et dans le cas qui nous concerne, le militaire harceleur et agresseur a vu sa peine de 6 mois d'emprisonnement assortie du sursis simple confirmée par la cour d'appel de Lyon.
En revanche le jugement de 1ère instance qu'il avait attaqué, a été infirmé en ce qu'il avait fait droit à sa demande de non inscription de la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire.
De même il a été condamné à une peine d'interdiction du droit d'éligibilité pendant une durée de 5 ans.
La victime, elle a été reçue en sa constitution de partie civile.
MDMH AVOCATS salue avec force la victime qui a eu le courage de dénoncer les faits et de porter haut le combat pour recouvrer sa dignité, subissant néanmoins les attaques basses de son harceleur qui, comme souvent, n'a pas craint de venir crier au complot et à l'incompétence de la victime qui, défaillante selon lui, aurait cherché à se venger ...
© MDMH – Publié le 29 septembre 2023
Avocat associé et fondateur - Spécialisé en droit pénal avec la qualification spécifique droit pénal militaire
Dotée d'une expertise reconnue en droit des militaires, des personnels de défense et de sécurité intérieure, et exerçant depuis plus de 20 ans, Elodie MAUMONT a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux de carrière des militaires et des gendarmes (notation, mutation, avancement, habilitation secret défense ...) le contentieux disciplinaire (sanction, conseil d’enquête) et le contentieux pénal des militaires et anciens militaires (désertion, harcèlement, violences, outrages, voies de fait, compromission, blessures et homicides involontaires ...). Elle intervient conjointement avec Aïda MOUMNI dans le cadre du contentieux médico administratif des militaires (jurisprudences BRUGNOT et autres) en lien avec les problématiques de souffrance au travail, harcèlement, discriminations…
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