Pour demander à l’État que son préjudice d’anxiété soit réparé, le militaire exposé à l’amiante dispose d’un délai de 4 ans, à partir du moment où il a eu connaissance de l’existence d’un risque élevé de développer une maladie grave du fait de cette exposition.
Nous avions exposé dans notre article sur ce sujet, le droit pour les militaires ayant été exposés à l'amiante dans le cadre de leur service, d'être indemnisés au titre du préjudice d'anxiété.
S'il est vrai que ce préjudice est spécifique dès lors qu'il est lié au risque de développer une maladie sans que la survenance de celle-ci puisse être déterminée, le délai pour pouvoir en obtenir réparation est toutefois limité dans le temps.
A l'occasion d'une demande d'avis au Conseil d'Etat, la juridiction suprême à eu l'occasion de se prononcer sur le délai de prescription applicable (avis n° 457560 du 19 avril 2022)
En effet le principe est posé par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics qui prévoit que toute créance à l’égard de l’Etat se prescrit après 4 années.
Ainsi, la demande de réparation d'un préjudice entre dans le champs d'application de cette loi.
Sur ce fondement, le Conseil d'État a rappelé que les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation d’un préjudice doivent être regardés comme acquis à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ce préjudice ont été entièrement révélées, ce préjudice étant connu et pouvant être exactement mesuré.
S’agissant du préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante, le Conseil d'Etat considère que ce préjudice est constitué lors de la prise de conscience du risque élevé de développer une pathologie grave, et d’avoir une espérance de vie diminuée à la suite de l’exposition aux poussières d’amiante sur le lieu de travail.
Il reste toutefois à déterminer de quelle façon peut se matérialiser la prise de conscience de ce risque.
Dans l'affaire dont état saisi le Conseil d'Etat pour avis, il s'agissait d'une affaire relative à la demande de réparation d'un préjudice d'anxiété formé par un salarié d'un établissement de fabrication de matériaux liés à l'amiante.
Ainsi, le Conseil d'Etat a jugé que la publication d'un arrêté ministériel qui inscrit l’établissement du travailleur sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir un droit à une retraite anticipée pour exposition à l'amiante permet de porter à la connaissance du travailleur le risque qu’il encourt du fait de son exposition aux poussières d’amiante.
Ainsi, la date de publication de cet arrêté constitue le point de départ du délai de 4 ans selon le Conseil d'Etat.
Si plusieurs arrêtés successifs étendent la période d’inscription , alors la date à prendre en compte est la plus tardive des dates de publication d’un arrêté inscrivant l’établissement pour une période pendant laquelle le salarié y a travaillé.
Dans ces conditions, lorsque le militaire se voit remettre une attestation relative à des travaux insalubres mentionnant l'exposition à l'amiante, il y a lieu de considérer que ce document constituera le point de départ de la prescription.
Rappelons toutefois que la preuve d'un préjudice reste libre et qu'en l'absence de la remise d'un document officiel ou de la publication d'un arrêté, le militaire qui estime avoir subi un préjudice d'anxiété pourra toujours en faire la preuve par d'autres moyens permettant de mettre en évidence l'exposition à l'amiante.
A cet effet, dans l'arrêt rendu le 28 mars 2022 que nous avions relayé concernant un militaire de la Marine Nationale, si ce dernier n'était pas directement intervenu sur des travaux contenant de l'amiante ou de la poussière d'amiante, il était toutefois en contact direct avec des bâtiments contaminés par l'amiante et pour de longues périodes.
© MDMH – Publié le 3 novembre 2023