Lorsqu’un militaire ou un gendarme subit un accident ou qu’il souffre d’une maladie, il peut être réformé s’il ne présente plus l’aptitude médicale à servir.
Cette réforme pour raison médicale peut faire suite à un placement en congé de longue maladie (CLM) ou de longue durée pour maladie (CLDM) ou encore être décidée par le médecin militaire s’il estime que l’état de santé du militaire ou du gendarme ne justifie pas son placement en CLM ou CLDM au préalable.
La radiation des cadres pour inaptitude médicale ne peut être prononcée qu’après avis de la commission de réforme sur présentation d’un dossier médical dont la composition est définie par arrêté.
Le ministre des Armées ou de l’Intérieur pour les gendarmes prend une décision conforme à cet avis et doit radier le militaire inapte.
Le militaire qui fait l’objet d’une réforme médicale a droit à la liquidation de sa pension de retraite dès lors qu’il a effectué deux ans de services militaires mais les choses ont changé depuis la parution d’un arrêté en date du 12 août 2024.
MDMH Avocats souhaite alerter les militaires et gendarmes qui pourraient se trouver dans cette situation.
Depuis quelques mois MDMH Avocats a dû prendre en charge des contestations pour des militaires et gendarmes qui se sont vus refuser la liquidation de leur pension de retraite après une décision de réforme médicale.
En effet, l’administration militaire se fonde sur un arrêté récent paru en plein été et manifestement passé sous les radars, le 12 août 2024 modifiant l'arrêté du 20 septembre 2006 pris en application de l'article 6 du décret n° 2006-1166 du 20 septembre 2006 relatif à la commission de réforme des militaires
Si le texte ne modifie pas la procédure ou la composition de la commission de réforme, en réalité l’arrêté du 12 août 2024 a introduit une annexe n°1 comportant le modèle du procès-verbal de la commission et introduit une nouvelle mention relative à la l’existence ou non d’une infirmité.
Par cette mention le ministre des Armées ou le ministre de l’intérieur pour les gendarmes, décide ainsi de radier le militaire pour inaptitude médicale avec ou sans droit à retraite.
Une telle modification – qui peut apparaitre comme anodine – engendre en réalité de nombreuses interrogations quant à sa légalité et plus encore quant à la légitimité de cette interprétation par l’autorité militaire.
Il semblerait en effet que l’administration ait décidé de priver de la jouissance immédiate de leur pension de retraite les militaires ou gendarmes qui font l’objet d’une réforme pour inaptitude médicale suivant un motif d’ordre psychologique ou psychiatrique en considérant qu’il n’y a pas d’infirmité à moins que l’affection ait été reconnue en lien avec le service (ESPT par exemple ou existence d’une pension militaire d’invalidité).
Dès lors, le militaire ou gendarme qui serait réformé avec moins de 17 ans de service ou 27 ans pour les officiers, se verra privé de sa retraite et ne pourra en jouir qu’à l’âge légal soit 64 ans à moins d’avoir une retraite à jouissance différée si le militaire a atteint quinze ans de services.
MDMH Avocats s’interroge sur la légitimité de cette nouvelle distinction opérée entre d’une part les militaires souffrant de blessures physiques et qui nécessairement entrent dans la catégorie infirmité et d’autre part, ceux qui développent des syndromes anxiodépressifs sans reconnaissance d’une imputabilité avec le service.
Cet arrêté est contestable à plusieurs égard et MDMH Avocats a d’ores et déjà introduit des recours contre des réformes médicales sans infirmité.
En effet il y a lieu de s’interroger tant sur l’interprétation de l’administration qui tend à faire une distinction artificielle entre l’inaptitude médicale définitive et l’infirmité sur le fondement de l’article L 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui prévoit que :
« Le droit à pension est acquis :
1° Aux officiers et aux militaires non-officiers après la durée fixée par le décret en Conseil d'Etat mentionné au 1° de l'article L. 4 ; »
De plus, plusieurs questions se posent sur le sort de ces années de service qui devront être reversées au régime général ce qui suppose le paiement des charges sociales à l’Ircantec et sans compter la perte des bonifications qui auront pu être acquises par le militaire et alors même qu’il a perdu son poste de manière involontaire du fait d’une inaptitude médicale.
MDMH Avocats s’étonne et s’interroge sur le sens et le bien-fondé de ce nouvel arrêté.
Il est surprenant que les ministres des Armées et de l’intérieur se fondent sur la mention d’une annexe mentionnant l’existence d’une infirmité pour refuser aux militaires et gendarmes le bénéfice de leur retraite.
En effet, jusqu’à la parution de cet arrêté, l’avis d’inaptitude physique suffisait à remplir les conditions posées par le code des pensions civiles et militaires de retraite mais désormais l’inaptitude médicale ne remplirait plus cette condition.
Il y a lieu de s’interroger sur la légalité de l’arrêté et des décisions de radiations qui en sont la conséquence dès lors que, conformément aux dispositions légales, la commission de réforme est compétente uniquement pour se prononcer sur l’aptitude médicale et rien d’autre.
En effet l’article R 4139-55 du code de la défense :
« La commission de réforme des militaires est compétente pour émettre un avis médical portant :
1° Sur l'inaptitude définitive au service d'un militaire, quels que soient son statut et son lien au service ; »
L’article 5 de l’arrêté du 20 septembre 2006 relatif à la commission de réforme des militaires dans sa rédaction issue du 12 août 2024 précise aussi que la commission est compétente pour donner son avis :
1° Lorsque l'inaptitude définitive d'un militaire, dont l'état de santé ne justifie pas l'attribution d'un congé lié à l'état de santé de la position d'activité ou de la position de non-activité, est médicalement constatée ;
2° Lorsque le militaire demande à ne pas bénéficier de l'ensemble de ses droits à congé de longue durée pour maladie ou de longue maladie ;
3° Lorsque le militaire arrive à expiration de ses droits à congé de longue durée pour maladie ou de longue maladie. »
Surtout, l’article R4139-61 du code de la défense ne renvoie à la compétence du ministre des Armées et de l’intérieur pour légiférer par arrêté que sur les points précis suivants :
« 1° Les modalités de fonctionnement de la commission de réforme des militaires ainsi que la procédure suivie devant celle-ci ;
2° Les modalités de réexamen de l'avis d'une commission de réforme des militaires devant une nouvelle commission de réforme des militaires lorsque l'intéressé ou l'autorité administrative le demande dans le cas prévu au second alinéa de l'article R. 4139-59 ;
3° Les modalités de notification de la décision du ministre de la défense, ou du ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, prévue à l'article R. 4139-60 ;
4° La liste des autorités auxquelles le ministre de la défense et le ministre de l'intérieur peuvent, chacun en ce qui le concerne, déléguer le pouvoir qu'ils détiennent au titre des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article R. 4139-54, du 2° de l'article R. 4139-56 et de l'article R. 4139-60. »
Aucune compétence n’est donnée au ministre des Armées ou de l’intérieur pour ajouter des mentions sur l’existence ou la constatation d’une infirmité.
Dans ces conditions, il nous semble que l’administration militaire ajoute des conditions aux textes légaux et commet ainsi une erreur de droit critiquable et attaquable.
La fameuse annexe n°1 de l’arrêté du 12 août 2024 doit ainsi porter les mentions ci-après :
« ANNEXE I
PROCÈS-VERBAL DE LA COMMISSION DE RÉFORME DES MILITAIRES
La commission de réforme des militaires, composée des membres ci-après :
(1), président ;
(1), assesseur ;
(1), représentant de l'autorité militaire,
s'est réunie à (lieu de la réunion), le,
afin de donner son avis sur :
-l'inaptitude médicale définitive du (1) susceptible de faire l'objet d'une décision de réforme définitive ;
-l'aptitude médicale du (1) à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade ou aux emplois pour lesquels il demande son engagement (2).
La commission est d'avis que le (1) :
-ne présente pas l'aptitude médicale nécessaire à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade :
-inaptitude médicale sans infirmité constatée : OUI-NON (2) ;
-doit être ajourné pour qu'il soit procédé à des examens médicaux supplémentaires ;
-présente l'aptitude médicale nécessaire à l'exercice effectif des fonctions afférentes aux emplois de son grade ou aux emplois pour lesquels il demande son engagement (2).
Observations : intéressé présent-absent (2).
Signature des membres :
Président. |
Assesseur. |
Représentant de l'autorité militaire |
(1) Grade, nom, prénoms.
(2) Rayer la mention inutile. »
A cet effet, et sans connaitre le sort des procédures en cours quant à la légalité des décisions de radiations prises et de l’arrêté en tant qu’il demande à la commission de réforme de se prononcer, MDMH avocats ne peut que recommander il y a lieu de former systématiquement un recours contre le procès-verbal de la commission de réforme lorsqu’il vous est notifié.
Pour rappel, les séances des commissions de réforme des militaires ne sont pas publiques. Le militaire peut être présent lors de la séance et accompagné d’un conseil de son choix ou décider de l’examen de son dossier hors sa présence.
Après avoir délibéré, la commission de réforme des militaires rend un avis à la majorité des voix.
Elle peut, si elle l’estime nécessaire reporter son avis à une séance ultérieure afin de demander une expertise complémentaire du militaire concerné en milieu hospitalier militaire.
Le procès-verbal de l’avis rendu par la commission de réforme est communiqué au militaire ou gendarme en séance s’il est présent ou par courrier via le commandant de sa formation administrative pour notification
L’avis de la commission de réforme est un acte préparatoire, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être contesté à lui seul mais si l’avis de la commission de réforme ne satisfait pas le militaire concerné, il peut dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis, demander à ce qu’une nouvelle commission de réunisse et réexamine sont dossier.
Dans le contexte précité et décrit, Il nous apparait est indispensable de former cette demande systématiquement lorsque la commission de réforme indique sur son procès verbal une absence d’infirmité pour les militaires qui n’ont pas atteint un nombre d’années suffisant pour liquider leur droit à retraite.
Il nous semble que même les militaires ayant plus de 17 années de service pour les non officiers et 27 années pour les officiers, devront également contester cette absence d’infirmité car il est possible que l’absence de liquidation pour infirmité puisse impacter les annuités prises en compte et appliquer une décote ce qui est loin d’être négligeable.
Il faudra ainsi adresser un recours avec toutes les pièces utiles et une argumentation justifiant que l’Etat de santé du militaire constitue bien une infirmité au sens des textes conformément à l'article 12 de l’arrêté du 20 septembre 2006.
A l’issue de la procédure devant la commission de réforme, le ministre des Armées ou de l’Intérieur pour les gendarmes prendra un arrêté conforme à l’avis rendu et prononcera la radiation des cadres ou des contrôles du militaire concerné.
A réception de cette décision, le militaire pourra former un recours contre la décision rendue en cas d’absence d’infirmité constatée et soulever les erreurs de droit qui affectent l’arrêté de radiation des cadres devant la commission des recours militaires.
En cas de rejet du recours par la commission des recours des militaires, le militaire ou le gendarme pourra saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois.
La juridiction administrative devra se prononcer sur la légalité de l’arrêté de radiation des cadres et plus précisément sur la question du bénéfice d’une pension à jouissance immédiate et en cas d’annulation de la décision, elle pourra enjoindre au ministre concerné à reprendre un arrêté de radiation des cadres conforme ou encore d’enjoindre l’administration militaire de procéder aux démarches en vue de liquider la pension de retraite du militaire.
Depuis plus de 15 ans, MDMH avocats met son expertise, son savoir-faire et son savoir-être en droit militaire et tout particulièrement pour les problématiques liées à l’aptitude et l’inaptitude et les conséquences qui en découlent, à votre service pour vous accompagner, vous assister et vous défendre devant les juridictions les commissions militaires et les juridictions compétentes.
© MDMH – Publié le11 décembre 2024