Les militaires non officiers qui bénéficient d'une retraite à jouissance immédiate peuvent la cumuler avec des revenus issus d'une autre activité professionnelle avant 25 ans de services.
En dehors de cette possibilité, le cumul emploi retraite est soumis à certaines conditions.
Un arrêt intéressant est venu préciser ces modalités et nous faisons le point dans le présent article.
Le cumul emploi retraite : règles et principes d'application
Le cumul emploi-retraite est régit par les articles L. 84 et suivants du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR),
qui disposent que les règles de droit commun énoncées à l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale n'y sont pas applicables.
En vertu de ces règles spéciales, les fonctionnaires civils ne peuvent en principe cumuler leur pension avec des revenus d’activité versés par un employeur – public ou privé – que si ces derniers ne dépassent pas un plafond fixé au tiers du montant de la pension .
Par exception, le cumul est possible, sans limite de montant, avec les revenus issus de certaines activités artistiques, intellectuelles, juridictionnelles ou consultatives, ou dans certaines situations particulières (titulaires de pensions pour invalidité notamment) .
Cette possibilité de cumul illimité est toutefois, comme pour les retraites du régime général , subordonnée à la condition d’avoir liquidé la totalité des pensions des différents régimes, de base et complémentaires, français et étrangers, auxquels l’intéressé a cotisé.
En effet, pour que le principe du cumul emploi retraite soit possible, la loi exige la liquidation de l’ensemble des pensions afférentes aux anciennes activités du militaire ou du fonctionnaire même lorsque l’intéressé relève, pour sa nouvelle activité, du même régime que l’un de ceux dont il relevait au titre de ses anciennes activités.
Ainsi, dans le cas où un militaire a, au cours de sa carrière, cotisé au régime général, il doit liquider la retraite de ce régime, même si sa nouvelle activité en relève également.
La pension de retraite est cumulable sous conditions strictes
En effet, dans l'affaire jugée par le conseil d'Etat (CE 13/11/2024 n°488172), il s'agissait d'un ancien fonctionnaire civil qui s'était vu suspendre sa pension de retraite par le service des retraites de l'Etat compte tenu de ses revenus d'activité importants pour les années 2017 et 2018 et partiellement pour la période du 1 janvier 2019 au 30 novembre 2020.
Le service des retraites de l'Etat avait en effet constaté que l’intéressé n’avait liquidé que depuis le 1 décembre 2020 ses pensions du régime général et du régime complémentaire AGIRC-ARRCO, auxquels il avait cotisé durant 14 trimestres.
Il en a déduit que, jusqu’à cette date, l’intéressé, qui n'avait pas encore liquidé sa retraite du régime général lorsqu'il a demandé à bénéficié de sa retraite de fonctionnaire, n'a pas respecté la condition de liquidation de l’ensemble de ses pensions de retraite et ne pouvait donc pas cumuler entièrement sa pension de retraite et ses revenus d'activité.
Dans ces conditions, le service des retraites de l'Etat a décidé de suspendre la pension servie pour la période antérieure à la liquidation de tous ses régimes de pension.
Le fonctionnaire faisait ici valoir que la condition de liquidation de sa retraite du régime général n'était pas pertinente puisqu'il cotisait toujours à ce même régime au titre des revenus d'activités perçus.
Le Conseil d'Etat a rejeté cette argumentation et jugé que la condition de liquidation de tous les régimes de retraite confondus étaient une condition sine qua non pour bénéficier d'un cumul intégral :
" Il résulte de ces dispositions que le titulaire d'une pension civile ou militaire de retraite peut cumuler sa pension avec une activité professionnelle dans les conditions fixées aux articles L. 85, L. 86 et L. 86-1 du même code. Par dérogation, il peut cumuler entièrement sa pension à partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'âge à partir duquel tout pensionné du régime général d'assurance vieillesse bénéficie du taux plein même s'il ne justifie pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires, ou bien à partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'âge d'ouverture des droits dans le régime général s'il justifie de la durée d'assurance permettant de bénéficier du taux plein dans ce régime, à la condition, dans chacune de ces hypothèses, d'avoir liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé. Cette condition de liquidation préalable de l'ensemble des pensions de vieillesse vise celles versées par les régimes dont l'agent a relevé avant d'être admis à la retraite, indépendamment de sa situation au regard de régimes dont il relève dans le seul cadre du cumul entre sa pension et son revenu d'activité".
Cette affaire est également intéressante s'agissant de l'application d'une dérogation prévue à l'article L 84 dont le requérant se prévalait dans son recours.
En effet, dans certains régimes de retraite – notamment complémentaires ou étrangers –les pensions ne peuvent être liquidées sans décote avant un âge plus élevé que l’âge légal de la retraite prévu par l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale , quel que soit le nombre de trimestres cotisés.
Or, le cumul intégral oblige au préalable de liquider toutes les pensions de retraite de base et complémentaires dont relève le militaire ou le fonctionnaire.
Afin de remédier à cette situation, le législateur a inséré une dérogation dans ce cas précis à savoir : « La pension due par un régime de retraite légalement obligatoire dont l'âge d'ouverture des droits, le cas échéant sans minoration, est supérieur à l'âge prévu à l'article L. 161-17-2du code de la sécurité sociale n'est pas retenue pour apprécier la condition de liquidation de l'ensemble des pensions de retraite, et ce jusqu'à ce que l'assuré ait atteint l'âge à partir duquel il peut liquider cette pension ou, en cas de minoration, l'âge auquel celles-ci prennent fin.. »
Le requérant sollicitait l’application de ce dispositif dérogatoire en justifiant qu'il ne pouvait liquider sa pension du régime général sans minoration s'il l'avait liquidée en même temps que sa pension de retraite de fonctionnaire civil.
Là encore le Conseil d'Etat a rejeté cette argumentation considérant que la situation du requérant n'entrait pas dans ce cas, dès lors que l'âge prévu pour liquider sa retraite du régime général avec ou sans minoration ne différait pad de l'âge légal prévu par le code de la sécurité sociale :
"En outre, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 2, il n'est pas tenu compte, pour apprécier la condition de liquidation préalable de l'ensemble des pensions de vieillesse personnelles, des pensions versées par un régime de retraite légalement obligatoire dont l'âge d'ouverture des droits, le cas échéant sans minoration, est supérieur à l'âge légal de départ à la retraite prévu à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, et ce jusqu'à ce que l'assuré ait atteint l'âge à partir duquel il peut liquider cette pension ou, en cas de minoration, l'âge auquel celle-ci prend fin. Seules sont visées par cette exception les pensions versées par les régimes de retraite au titre desquels il n'est possible de liquider sa pension qu'à partir d'un âge supérieur à l'âge légal de départ à la retraite dans le régime général. Dès lors qu'il est possible, dans le régime général, de liquider sa pension sans minoration à l'âge légal, sous réserve de justifier d'une durée d'assurance suffisante, les pensions versées au titre de ce régime n'entrent pas dans le champ de cette exception".
Par cet arrêt, le conseil d'Etat vient rappeler que la condition du cumul ne peut être entendue que de façon restrictive et qu'elle ne souffre pas d'exceptions.
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Pour aller plus loin :
voir notre article sur la réforme des pensions de retraite
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© MDMH – Publié le 10 février 2025
Avocat associé et fondateur
Dotée d'une expertise en droit des militaires, Aïda MOUMNI a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux financier, social, indemnitaire et de fin de service des militaires et anciens militaires (soldes, accessoires de solde, Louvois, trop-perçus, moins versés, lien au service, retraite, pension de réversion, indemnités de départ ...) Elle intervient conjointement avec Elodie MAUMONT dans le cadre du contentieux médico administratif des militaires, des pensions d’invalidité et des demandes connexes (jurisprudences BRUGNOT et autres).
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